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SOMMET DES PEUPLE A MADRID Par Ana Maria Duarte, Franck Gaudichaud, Flavia Verri


Rédigé le Mardi 18 Mai 2010 à 09:24 |

LUPOURVOUS : C’est dans le cadre de la campagne « Enlazando Alternativas » (« relions entre elles des alternatives ») que se tiendra le 4e Sommet des peuples du 14 au 18 mai 2010 à Madrid, pour y dénoncer la politique impérialiste de l’Union européenne, pour tisser des liens et construire des alternatives entre les mouvements sociaux européens et les résistances latino-américaines.


SOMMET DES  PEUPLE A MADRID Par Ana Maria Duarte, Franck Gaudichaud, Flavia Verri
Depuis maintenant plus d’une décennie, l’Amérique latine apparaît comme une zone de tempêtes pour la domination néolibérale planétaire. Elle a connu les plus importantes mobilisations collectives contre les conséquences sociales, politiques et écologiques du capitalisme prédateur dans les pays du sud, avec dans certains cas des réactions en chaîne ayant abouti à la démission de gouvernements conservateurs, à la remise en cause de privatisations majeures et à un retour sur le devant de la scène des gauches comme de la question sociale.

Bien plus qu’ailleurs, il existe dans le sous-continent une crise d’hégémonie de la bourgeoisie et du système néolibéral. Le changement des rapports de forces en Amérique latine est avant tout le produit de mouvements sociaux offensifs, radicaux et transnationaux qui ont combiné revendications démocratiques (assemblées constituantes, reconnaissance de l’État plurinational) avec une orientation anti-néolibérale, anti-impérialiste et internationaliste. Cette réalité des luttes de classes est évidemment différenciée suivant les pays : luttes indigènes au Pérou, en Bolivie et Équateur, des chômeurs en Argentine, des sans-terre au Brésil et en Bolivie, mobilisations syndicales au Mexique ou au Chili, féministes en Amérique centrale…

Un continent de résistances

Ces résistances, dans un continent qui a souffert du terrorisme d’État, de l’explosion de la dette, des diktats du FMI, se traduisent également sur le terrain politique par la mise en place de gouvernements souvent sociaux-libéraux mais également anti- impérialistes. Et, face au projet conquérant des États-Unis, s’affirment avec force d’autres options d’intégration régionale. C’est le cas du Brésil qui apparaît de plus en plus comme un pays « sous-impérialiste » qui défend son autonomie partielle face au géant du Nord, mais aussi de l’Alternative bolivarienne des peuples de notre Amérique (ALBA) qui, sous l’impulsion du Venezuela bolivarien et de Cuba, tente d’affirmer qu’une autre intégration des peuples est possible.

Si l’Équateur, la Bolivie et le Venezuela posent clairement la question d’une alternative anti-impérialiste au néolibéralisme, aucun de ces processus ne s’est -jusqu’à présent- engagé sur la voie d’une rupture anticapitaliste et d’affrontement global avec les élites locales. Les aléas de cette stratégie apparaissent clairement sur les questions de la propriété ou encore du modèle de développement, question clef du xxie siècle. Au-delà des discours sur le « bien vivre » et l’écologie, la perspective souvent défendue par les gouvernements reste productiviste et tournée vers un modèle extractiviste de matières premières à exporter, avec une gauche imprégnée d’un imaginaire industriel développementaliste issu du nationalisme populaire des années 1950-1960.

S’expliquent ainsi les projets de « capitalisme ando-amazonien » du gouvernement bolivien ou l’appui bolivarien au projet continental d’infrastructures routières et de méga-gazoducs de l’IIRSA (Initiative pour l’intégration de l’infrastructure régionale). Face à tels projets, nombre de mouvements sociaux et indigènes appellent à une vision mondiale radicalement différente, qui ne sacrifie pas le développement du bien commun et des services publics tout en préservant la planète. Ces idées et ces luttes avancent d’ailleurs, à l’instar de l’appel à « laisser le pétrole dans la terre » dans le parc Yasuni en Équateur.

Le retour de droites ?

La conjoncture actuelle est pourtant celle de tous les dangers, et les droites sont toujours en capacité de récupérer une part de leur influence perdue. La victoire électorale d’un patron multimillionnaire au Chili comme le coup d’État au Honduras, les menaces de putsch « légal » au Paraguay ou encore l’invasion militaire yankee en Haïti (qui après le tremblement de terre s’est ajoutée à l’occupation militaire des Nations-unies) permettent d’envisager un scénario de restauration conservatrice dans plusieurs pays, aux côtés du Mexique, de la Colombie, du Pérou et du Panama.

Ce risque s’alimente également au gré des frustrations des classes populaires face au social-libéralisme ou aux contradictions des politiques menées par Hugo Chavez, Evo Morales et Rafael Correa. Il est facilité par l’immense pouvoir médiatique et économique des secteurs oligarchiques qui sont à l’offensive notamment au Brésil, en Argentine et au Venezuela, espérant gagner davantage d’espace lors des prochaines échéances électorales.

Il est donc urgent et nécessaire de traduire notre solidarité internationaliste avec les peuples latino-américains en lutte, en menant des campagnes communes. Il apparaît tout aussi indispensable de comprendre et dénoncer « notre » propre impérialisme quand l’Union européenne et ses multinationales sont toutes voiles dehors pour reconquérir l’Amérique latine et la Caraïbe.

Les nouvelles caravelles coloniales

La relation que l’Union européenne (UE) propose aux pays d’Amérique latine/Caraïbe (ALC), et qui a été acceptée par la majorité des gouvernements d’ALC, ne peut être qu’un obstacle à n’importe quelle possibilité de développement souverain des peuples de cette région, en même temps qu’elle aggrave les attaques contre les conquêtes sociales. Plus de libre-échange, plus de dérégulation, plus de privatisation, plus de concurrence : c’est le modèle défendu par les socialistes et la droite en France et, au Parlement européen, par les 27 gouvernements de l’Union européenne et la Commission européenne. Il s’est concrétisé par la signature du Traité de Lisbonne en 2 000.

Ce traité s’est fixé avec la Stratégie de Lisbonne l’objectif de faire de l’Europe un marché compétitif, une puissance mondiale et de créer une « zone euro-latino-américaine d’association globale intégrale » pour 2012.

N’y parvenant pas, l’UE a proposé la signature d’accords d’association, pays par pays, et de traités de libre commerce (TLC) qui mettent durablement à terre des populations qui souffrent déjà depuis plusieurs décennies. Des accords ont déjà été signés avec le Mexique et le Chili tandis que se closent en ce moment même les négociations avec le Pérou et la Colombie.

Du côté des pays du Mercosur, le Brésil en tête, la volonté de relancer les négociations sur les TLC semble se confirmer, alors qu’en Amérique centrale ces négociations sont pour le moment bloquées par l’opposition du Nicaragua, qui ne les rejette pas en tant que telles mais refuse la reconnaissance et la présence du gouvernement hondurien, issu du coup d’État militaire.

Ces accords n’ont d’autre objectif que de renforcer les capitaux européens et leurs transnationales. Ils véhiculent le culte de l’exportation qui conduit à la surexploitation des ressources naturelles, à la destruction de l’environnement, à l’invasion des territoires des populations autochtones et à la disparition de la petite paysannerie. Ils expliquent l’existence des OGM, de l’appropriation de la biodiversité par les firmes privées et de la bio-piraterie. Ils bloquent l’accès aux médicaments essentiels à des millions de gens qui meurent faute de pouvoir se soigner. Sans ces accords, la santé ne dépendrait pas des multinationales de la pharmacie.

L’UE s’acharne, en outre, à imposer et à étendre des accords sur les droits de propriété intellectuelle qui impliquent la captation de toute la chaîne du vivant et en particulier de la chaîne alimentaire par l’agrobusiness.

Il faut combattre ces accords, c’est le sens de notre présence à Madrid. Et cette bataille doit s’appuyer à l’intérieur de l’UE sur la lutte contre la privatisation des services publics, la défense des acquis sociaux et la conquête de nouveaux droits, et contre la mascarade du capitalisme maquillé de « vert ». Seule la solidarité concrète des luttes en Europe avec celles d’Amérique latine-Caraïbe permettra de construire ensemble le « socialisme du xxie siècle ».

Source legrandsoir.



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