Anniversaire de la loi de départementalisation 19 mars 1946


Rédigé le Dimanche 20 Mars 2011 à 21:44 |

Malgré le 19 mars 1946 nous n’avons jamais été français que dans nos têtes.
Quand un martiniquais ou un guadeloupéen parle de l’histoire de son pays, on découvre tout son égocentrisme, toute la mégalomanie de ses dirigeants locaux qui facilitent leur instrumentalisation par les gouvernements français successifs.


Malgré le 19 mars 1946 nous n’avons jamais été français que dans nos têtes.
Quand un martiniquais ou un guadeloupéen parle de l’histoire de son pays, on découvre tout son égocentrisme, toute la mégalomanie de ses dirigeants locaux qui facilitent leur instrumentalisation par les gouvernements français successifs.

La départementalisation est l’aboutissement d’un ardent souhait des populations des DOM ; qualifié avec un orgueil de sot, de vieilles colonies. Or cette aspiration n’avait rien d’exclusive puisque le même souhait se rencontrait dans les populations africaines symbolisées par la position de leurs élus.

Aimé Césaire connaissait leurs positions puisqu’il siégeait avec eux à l’assemblée française , précisément en 1945; il n’ignorait pas la position du plus proche de lui, son vieil ami étudiant Léopold Sédar Senghor qui venait d’écrire cette même année avec le Prince Sisowath Youtevong  (1913-1947)  père de la démocratie cambodgienne et père de la constitution cambodgienne et Robert Lemaignen, intendant de l’école coloniale un livre intitulé « La communauté impériale française » dans lequel Senghor disait que le problème colonial n’était en fait qu’un problème provincial et que l’essentiel était de resserrer les coudes dans la République.

La loi d’assimilation a été votée dans un contexte d’instabilité successive au réaménagement institutionnel de la France à la fin de la seconde guerre mondiale.
Les résultats du référendum du 21 octobre 1945 sont favorables au  oui pour une assemblée constituante C’est cette assemblée qui va voter la loi d’assimilation. L’évolution institutionnelle n’est pas terminée en France. Le projet de Constitution du 15 avril 1946 est soumis au référendum du Peuple souverain le 5 mai 1946, qui vote son rejet.

Que disait le projet de constitution du15 avril :
Article 40.
La France est une République indivisible, démocratique et sociale.
Article 41.
La France forme avec les territoires d'outre-mer, d'une part, et avec les États associés, d'autre part, une Union librement consentie
 Article 44.

Tous les ressortissants de l'Union française jouissent des droits et libertés de la personne humaine garantis par les articles ler à 39 de la présente Constitution. Tous les nationaux et ressortissants français de la métropole et des territoires d'outre-mer jouissent des droits de citoyen.
Les africains devant l’échec de la Constitution du 15 avril font valoir leur désir de devenir français. D’où le vote de la loi Lamine Gueye

Revenons en arrière : Le 22 août 1945, une ordonnance établit que les élections auront lieu dans la France d'outre-mer au double collège, qui comprend:
-d'une part les citoyens français et ceux des « quatre communes » du Sénégal;
-et d'autre part les « indigènes », c’est-à-dire les citoyens de l'empire.
La Constituante hésite alors entre l'assimilation totale, telle que les promoteurs de la Conférence de Brazzaville la souhaitent, et l'association.

Le 25 avril 1946, est votée la loi Lamine Gueye, du nom de ce député sénégalais (Lamine Gueye) de la SFIO, qui dispose que « tous les ressortissants des territoires d'outre-mer ont la qualité de citoyen au même titre que les nationaux français de la métropole ou des départements d'outre-mer »1.
Finalement, loi d’assimilation et loi Lamine Gueye, nous sommes tous colonisés noirs au même niveau. Le 2 juin une nouvelle Assemblée nationale constituante est élue, la gauche PC,SFIO perd la majorité absolue. Le MRP, qui passe pour être le parti le plus proche du général De Gaulle, devient le premier parti avec 28,2% des suffrages exprimés.
Un nouveau projet de constitution est élaboré par le gouvernement Georges Bidault

Lisons cette Constitution de l’Union française
 Aux termes de l'article 63 de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Les organes centraux de l'Union française sont la présidence, le Haut conseil et l'Assemblé »..
•    Le président de l'Union française est le président de la République française2 élu par le parlement, constitué alors par l'Assemblée nationale et le Conseil de la République).
•    Le Haut Conseil de l'Union française est constitué d'une délégation du gouvernement français et de représentants des États associés. Sa fonction est d'assister le gouvernement dans la conduite générale de l'Union3.
•    L'Assemblée de l'Union française est composée, par moitié, de membres représentant la France métropolitaine et, par moitié, de membres représentant les départements et territoires d'outre-mer et les États associés4.
La distinction est clairement faite entre les vrais français de l’Hexagone et les autres dont nous faisons partie
L’Union française est créée par la Constitution du 27 octobre 1946 dans son Titre VIII (fondatrice de la Quatrième République) qui modifie le statut des colonies. L’Empire colonial français devient l’Union française, et les colonies des départements et territoires d’outre-mer.( mim bêt mim pwèl)
Le préambule de la Constitution de 1946, repris dans celui de la constitution du 4 octobre 1958, énonce :
" La France forme, avec les peuples d'Outre-Mer, une union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion."
" L'Union Française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun, ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité."
" Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire, elle garantit à tous l'égal accès aux fonctions publiques et l'exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus."
La constitution met donc en avant un principe égalitaire en droit.

La Cinquième République lui fera succéder en 1958 la Communauté française, conformément aux conclusions de la conférence de Brazzaville en 1944.
Il est clair que dans l’esprit du législateur français nous faisons partie des peuples d’outre-mer. On voit pourquoi aucun rattrapage n’était fait dans le sens de l’égalisation des droits sociaux.
Les africains avaient le même amour que nous de la patrie française. En 1951, Félix Houphouët-Boigny, président du RDA déclarait lors d'un débat d'investiture
"Les Constituants qui sont encore présents dans cette Assemblée savent bien que notre espérance à tous, en 1945, notre espérance nationale, était l'Union Française à bâtir. Nous pensons qu'en dépit de vicissitudes regrettables, il dépend de chacun de nous que cette espérance se réalise pleinement, rapidement
La réaction de la France sera encore plus significative de la manière dont elle nous considérait quand en 1960 l’ONU entérine les indépendances obtenues en reconnaissant que l’accession à la souveraineté nationale constitue la fin de la colonisation.
Si dans l’esprit un peu naïf de nos dirigeants nous ne sommes pas concernés par cette résolution, le gouvernement français a conscience que les rapports qu’il entretient avec nous sont encore coloniaux et il fait voter une seconde résolution le 16 décembre 1960 reconnaissant entre autre mode de décolonisation l’intégration à un pays indépendant tandis que la Hollande propose l’association à un Etat indépendant.
Donc à partir de 1960 nous passons de la politique d’assimilation à la politique d’intégration.
Parallèlement à partir de 1960, c’est la montée des nationalismes dans les DOM ; le problème d’une évolution statutaire devient un leitmotiv.

Etant donné que constitutionnellement nous sommes encore des Peuples reconnus dans le Préambule de 1946, et comme l’ONU rappelle qu’il faut décoloniser avant 2000 la droite nous intègre en faisant le forcing au nez et à la barbe de nos « patriotes » collapsés, en nous enlevant carrément cette reconnaissance constitutionnelle par l’alinéa 3 de l’article 72. Nous devenons populations appendices du peuple français.
Et cette situation justifie pleinement la réflexion de Césaire «  nous avons passé un marché de dupes, la départementalisation n’était qu’une autre forme de domination »

Finalement nous perdons la boule et Sarkosy nous prend pour des joujoux de luxe en nous prenant d’une part pour des cobayes pour sa réforme institutionnelle et d’autre part en se moquant de nos élus en leur faisant prendre « dlo moussach 74 pou lèt » l’autonomie.
Mi fè !

Max DUFRENOT

    



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