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CHRONIQUES DE LA DRÔLE DE GUERRE #1 / Ali Babar Kenjah L’HONNEUR PERDU DE LA DÉMOCRATIE


Rédigé le Lundi 6 Avril 2020 à 22:10 |
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Nous sommes dans une crise généralisée de tous les milieux d'enfermement, prison, hôpital, usine, école, famille Gilles Deleuze, Post-scriptum sur les sociétés de contrôle. La déclaration de guerre est autorisée par le parlement article 35 de la Constitution française Le philosophe Gilles Deleuze, grand complice d’Édouard Glissant, créditait Michel Foucault d’avoir, le premier, décrit la mutation des « sociétés disciplinaires » de la modernité capitaliste (du 18e au 20e siècle) vers les « sociétés de contrôle »


1 de l’ère post-étatique. La vision de Foucault et l’alarme de Deleuze s’accomplissent désormais sous nos yeux. Est annoncé le Big Brother futuriste d’Orwell, non pas en 1984 mais bien au carême 2020, en mondiovision live & direct, à la faveur d’une pandémie mondiale. Un point de non retour semble avoir été atteint. Vers quoi allons-nous ?

Par une surenchère d’injonctions guerrières et via un flux intrusif de technologies sécuritaires (la 5G sera effective en juillet 2020), une guerre mondiale vient d’être déclarée. Contre qui ? Dans quelles conditions ? Aux profit de quels intérêts ? Cette crise était-elle prévisible ? A l’évidence tous les États ne l’ont pas abordée avec la même stratégie et elle constitue un test cruel sur l’état réel des différentes économies. Il semble bien que les choix de la France (qui ont conduit au confinement) aient été contraints et forcés par la faiblesse des moyens de prévention et de traitement aux niveaux 1 et 2 de l’épidémie. Viendra le temps de l’examen, voire de la mise en examen, mais pour l’heure interrogeons la tournure martiale que le pouvoir tente de donner aux événements.

Première interrogation impérieuse : une mobilisation ne peut-elle se concevoir autrement qu’en termes guerriers ? Mon expérience quotidienne se nourrit de ces milliers de synergies qui, souvent sans trop de moyens financiers, font vivre la culture, le sport, la citoyenneté, la solidarité internationale, l’activisme militant ou les grands idéaux sociétaux. Est-il judicieux dans une telle épreuve, si inédite, de renoncer à l’intelligence partagée pour exiger l’obéissance aveugle qu’on attend d’une Grande Muette ? Une telle suspicion a priori, un tel mépris de l’énergie citoyenne portent, hélas, la marque d’élites hautement confinées dans leurs privilèges. Le premier démenti infirmant la nécessité de militariser la société est venu de la société elle-même, qui a dû inventer et trouver seule – face à l’impéritie pyramidale des autorités – des solutions, des parades, des réponses. Des molécules... Seules l’initiative, l’innovation et l’abnégation citoyennes ont permis à la société française de maintenir une relative capacité de réponse face au krach. L’État, le plus souvent, essaie de suivre ou de dissuader mais a perdu la main sur le terrain, car de sa gestion jupitérienne n’ont pas ruisselé les moyens attendus.

L’État martial de ce gouvernement qui était en passe de casser les retraites à coup de 49-3, qui n’a cessé de détricoter l’hôpital public depuis des décennies, qui avait – au nom du pacte de Maastricht – liquidé à tout va, usines françaises de masques ou de respirateurs, ces politiciens décomplexés qui ont ignoré que gouverner c’était prévoir, sont-ils aptes à organiser une mobilisation au bénéfice de tous ? Car tandis qu’on manquait de gants, de gel et de tests élémentaires, tandis qu’on liquidait l’État-providence et l’impôt sur les grandes fortunes (ISF), le français Bernard Arnaud devenait l’homme le plus riche du monde (Forbes, janvier 2020). Ça s’appelle les vases communicants : déshabiller Ti-Sonson pour habiller Bernard, on connaît ça isidan !

1 Gilles Deleuze, « Post-scriptum sur les société de contrôle » in L’Autre Journal n°1, mai 1990

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CHRONIQUES DE LA DRÔLE DE GUERRE #1 / Ali Babar Kenjah L’HONNEUR PERDU DE LA DÉMOCRATIE

Constat accablant: on a suspendu des libertés constitutionnelles en dehors de tout cadre de concertation représentatif. On a fait voter dans la loi des mesures dérogatoires au droit social en refusant d’y préciser leur caractère provisoire…

Tout se passe comme si les différentes bulles financières sur le point d’imploser depuis deux ou trois ans, étaient en train d’être purgées sous couvert de pandémie, au prix de coups d’État invisibles dont les démocraties européennes ne se relèveront pas. Pas plus que l’UE dont l’utopie moribonde est désormais covidée. Gageons qu’il n’en restera, à terme, que la Banque Centrale, outil performatif de la grande arnaque monétaire...

Des milliers de milliards d’euros sont annoncés, en notre nom et à la charge collective des générations à venir, pour garantir la continuité du système. En échange de quoi on demande aux cols blancs et aux chômeurs de se confiner mais, « en même temps », aux subalternes « patriotes » d’assurer le service comme de bons petits soldats, en morflant en silence. Éboueurs, caissières, aide-soignantes, policiers, routiers ont vu leurs droits sociaux suspendus et restent, globalement, en attente de protections. L’ordre de confinement ignore les problématiques de SDF, de violences familiales, de formes de stigmatisation engendrées par l’arbitraire de l’État et questionne la capacité des vieilles démocraties à gérer de telles crises en conservant leur cadre constitutionnel. Au-delà du fait d’être « légitimée » par les événements, si la fiction de la « déclaration de guerre » devait demain être « légalisée » par les libéraux et les conservateurs, nous serions alors face à un putsch illibéral déguisé en pandémie.

Le grand gagnant de cet aggiornamento social, industriel et financier sera la Chine. Non seulement économiquement (c’était déjà le cas) mais surtout par le triomphe médiatique exhibant l’efficacité de son modèle de gouvernance, « savoir-faire unique » qui a su maîtriser et contenir l’épidémie pour voler au secours du reste confiné du monde. Le modèle chinois l’affirme : des solutions existent. Elles dessinent une société autoritaire, intrusive et hyper-technologique, ordonnée par le flicage d’État le plus liberticide jamais organisé au niveau des cultures humaines. La société de contrôle amène le biopouvoir dans l’intimité commercialisée de chacun et promet à tous de jouir du plus parfait confinement narcissique.

Ainsi l’intimité, envers personnel et silencieux du confiné moderne, vire sous contrôle du système. Le confinement individualisé et sécurisé devient une norme statutaire « branchée ». En revanche, le confinement général, cette stratégie du pauvre et de l’urgence impréparée, offre au pouvoir un peu de temps mais pas de réelle solution. Une fois installé le climax apocalyptique, comment déconfiner alors que des personnes infectées continueront de circuler, tout comme que le virus (qui est là à perpète) ? Le confinement est un sauve qui peut. C’est une impasse, une voie sans issue. Et c’est pourquoi le gouvernement souhaite dorénavant masquer tout le monde. Mieux vaut tard que jamais !

Photo Réseau Social Facebook
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Nos intérêts micro-insulaires et archipéliques sont ils du même ordre, de même nature et intensité que ceux d’une société continentale dont l’État nous a continuellement habitué à un traitement subalterne ?

Cette gestion approximative du confinement tient aussi au manque de clarté sur ce qui relève de l’ essentiel et sur ce qui ne l’est pas. Mais, à quel niveau de décision la question des « activités essentielles » doit-elle être portée ? En cas de catastrophe, devons-nous abdiquer nos droits au profit de l’État sans contrepartie ? Nos intérêts micro-insulaires et archipéliques sont ils du même ordre, de même nature et intensité que ceux d’une société continentale dont l’État nous a continuellement habitué à un traitement subalterne ?

Peut-on improviser, sous prétexte d’exception, une définition à géométrie variable de l’essentiel et s’arroger le droit de suspendre nos libertés hors toute base légale ? Car, répétons-le : toute « déclaration de guerre » doit être autorisée par le Parlement...

à suivre : Chroniques de la drôle de guerre #2, Petite sémiologie du confinementi[

Ali Babar Kenjah
chercheur indépendant en socio-anthropologie associé à l'équipe Justice Sociale du laboratoire Pacte de l'Univ. Grenoble-Alpes. Diplômé en sciences politiques (IEP Grenoble), DEA langues et cultures régionales (GEREC), Master en sciences sociales (EHESS, Vieille-Charité Marseille)



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