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CTM : Derriere la crise politique, la crise institutionnelle couve, par Yves-Léopold Monthieux


Rédigé le Mardi 12 Décembre 2017 à 21:15 |
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La chose est sérieuse, c’est le président de l’exécutif, Alfred Marrie-Jeanne, lui-même, qui l’annonce : on s’acheminerait vers une crise politique à la CTM.


Curieusement, le point de départ ne se situerait pas quelque part entre les partis de l’entente du Gran sanblé pou ba péyi-a an chans (GSBPAC), mais au sein du Gran sanblé lui-même et d’abord dans le mitan du MIM, le parti dont le chef du conseil exécutif est le président-fondateur. Alfred Marie-Jeanne ouvre lui-même la guerre en désignant ses nouveaux ennemis politiques. Il prend aussitôt une attitude victimaire en usant d’un argument surprenant. Selon lui, des amis politiques, au sein de la CTM, oeuvreraient à sa condamnation à une peine de prison. Donc à sa disparition politique.

La nature des démocraties, de part leur mode de gestion par des partis politiques et des coalitions qu’elles suscitent, est de porter en elles des germes de crises politiques, lesquelles sont généralement absorbées par leurs institutions. Ce n’est que dans l’hypothèse où celles-ci se révèlent incapables de les contenir que les crises politiques se transforment en crises institutionnelles ou de régime. Généralement, cette situation advient au bout d’une durée raisonnable de fonctionnement de ces institutions. Aujourd’hui, les bouleversements entraînés au sein des partis politiques par le macronisme a conduit, en France, à une crise politique larvée. Mais les institutions de la Vème République qui rejoindra en 2018 la IIIème république dans la longévité,  70 ans, paraissent être en mesure de contenir cette mini-crise qui est avant tout celle des partis politiques.  Il ne peut en aucun cas s’agir d’une crise institutionnelle. En Allemagne, on est en présence d’une vraie crise politique qui se prolonge. Les partis politiques ne parviennent pas à former une nouvelle coalition majoritaire, mais cette crise politique ne devrait pas elle non plus se transformer en crise institutionnelle.

S’agissant de la collectivité territoriale de Martinique, on pourrait s’étonner que tous les observateurs et journalistes ne parlent que de crise institutionnelle alors qu’il ne s’agirait que de désaccords survenant au sein de la gouvernance. On connaît la tendance martiniquaise à se gargariser de mots. Il s’agirait donc, pour l’instant du moins, d’une crise politique et non une crise institutionnelle. Cependant, pour des causes structurelles contenues dans le texte de la loi du 27 juillet 2017, que peu d’observateurs évoquent, la crise politique (si elle advient) pourrait dans un second temps se transformer en crise institutionnelle.

 

Il n’est pas interdit de penser qu’au terme normal d’une mandature paisible ou moyennement chahutée, il soit possible d’élire une nouvelle équipe et faire se prolonger un système politique bancal que je qualifiais il y a deux ans de « monstre institutionnel ». En effet, aucun des protagonistes n’a intérêt sans se déjuger à dénoncer des dispositions statutaires qu’ils ont contribué de concert à inscrire dans la loi, même si ces mesures imparfaites, inappropriées, voire parfois fantaisistes, continueront de se mettre en travers d’une gouvernance efficace de la collectivité martiniquaise. C’est pourquoi, en dépit de la violence des échanges verbaux entre la majorité et l’opposition, aucun recours juridique n’a été formé contre des décisions litigieuses de la CTM, qui seraient nombreuses, de l’avis d’élus et d’observateurs avertis. Ainsi, fidèle à l’esprit et la lettre des statuts de la CTM, Serge Letchimy s’inscrit résolument dans le cadre de la crise politique.

Aussi bien, le président de l’assemblée est seul à préconiser une nouvelle écriture de la loi du 27 juillet 2011 qu’il affirme ne pas avoir voté. Il souhaite que la présidence de la CTM soit revue, notamment par la mise en place d’une commission permanente comme en Corse et en Guyane. On n’a jamais entendu la moindre réserve de la part du PPM, du MIM et des juristes qui ont inspiré le texte de la loi. De même que les élus de droite sont muets sur le sujet qui paraitrait devoir les concerner au premier chef.

En évoquant sa possible condamnation en justice, Alfred Marie-Jeanne lève malgré lui, peut-être, un coin du voile méticuleusement maintenu sur le sujet majeur de la transmission du pouvoir exécutif en cas d’indisponibilité de son président. On ne dit pas aux Martiniquais qu’au cas où ce dernier viendrait à être relevé de sa fonction, la totalité des membres du conseil exécutif serait démissionnaire d’office. Car, comme il avait fallu à ces derniers, pour accéder au conseil exécutif, renoncer définitivement à leur statut d’élu, ils ne pourraient plus demeurer au sein de la CTM, à quelque titre que ce soit. Rappelons que dans l’organe de décision de la collectivité se trouvent tous les cadors de la coalition, sauf Claude Lise et Yan Monplaisir. Le patron du PALIMA, Francis Carole, qui, comme ses collègues du conseil exécutif aurait tout à perdre d’une invalidation ou une démission du président, aurait-il senti venir le vent ? Au cours d’une récente intervention, il prend date en revenant ouvertement à ses fondamentaux indépendantistes, ce qui lui permettrait de rebondir à tout aléa survenant au sein de la majorité. Sauf que cette saillie pourrait se révéler une cause supplémentaire de difficultés pour AMJ, pas seulement à l’égard de Ba péyi a an chans.

Dans le débat intense que se livrent les principaux leaders politiques, le président de l’assemblée a su garder son calme et résister à ceux qui voudraient qu’il s’oppose au président de l’exécutif. Avec l’arrière pensée, souvent, que la coalition explose. Mais en le désignant ouvertement comme l’un de ses adversaires de l’ombre, AMJ oblige Claude Lise à sortir de sa réserve pour se justifier et à réapparaître dans ses habits d’ancien président du conseil général où il avait atteint des sommets de popularité. En sabordant sa majorité, y compris au sein de son propre parti, AMJ pourrait avoir lui-même indiqué un recours possible en la personne du président de l’assemblée.

Fort-de-France, le 12 décembre 2017
 Yves-Léopold Monthieux



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