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ENTRE L'OUTRE MER ET LA FRANCE,TROP DE NON-DITS


Rédigé le Vendredi 6 Mars 2009 à 16:08 |

PAR CHRISTIANE TAUBIRA .Un immense malentendu. Une équation sommaire : outre-mer, assistanat. Un remède aussi lapidaire : besoin d'amour. Pardon, mais il n'est question ni d'affection ni de compassion, seulement du respect de nos droits et de la fin de la tolérance envers les pratiques hors la loi qui prospèrent dans nos territoires.


L'actualité a révélé qui capte la grande masse des flux financiers déversés par exonération de charges, subventions, avances non remboursées.
Désormais, nul n'ignore que la solidarité sociale y est inférieure. Qu'une économie de prédation y accumule d'arrogantes opulences. Et que lorsque l'Etat amorce un acte économique, il se retient aussitôt. Ainsi, les décrets d'application, nécessaires à la loi Paul de décembre 2000 pour rendre effectif le transfert de compétences entre l'Etat et la région sur l'attribution de titres miniers en mer, ne furent publiés ni par la gauche ni par les gouvernements suivants.


Or, depuis 2002, une multinationale australienne procède à l'exploration offshore du gisement de pétrole de Mata Mata dans les eaux guyanaises.
La Guyane est, de toute la France d'outre-mer, le seul territoire non insulaire, avec une superficie terrestre de 91 000 km², un plateau continental de 50 000 km², une zone économique exclusive de 130 000 km² ; des richesses minières terrestres et marines ; une exceptionnelle biodiversité de ressources génétiques végétales et animales ; une position par rapport à l'Equateur permettant de concentrer sur une seule base les lancements de fusées, contrairement aux Etats-Unis et à la Russie contraints de disposer de deux bases, l'une à l'Est l'autre à l'Ouest, selon l'orientation des tirs.

Cette situation procure également une économie de carburant pouvant atteindre 30 %, contribuant ainsi à la compétitivité de l'activité spatiale européenne. Pourtant, la jeunesse y est comme ailleurs en déshérence, confrontée à l'insuffisance des places dans les lycées, garée dans des filières de formation sans débouchés, laissée en rade faute de budget pour les formations qualifiantes, ignorée sur le marché du travail, désocialisée puis accusée de l'être.

RESQUILLE FISCALE
Les efforts des gouvernements successifs furent inégaux, la gauche s'étant montrée un peu plus réceptive aux problèmes de fond mais guère plus efficace à les résoudre. D'un bord à l'autre, l'Etat joue une partition sans variations : l'emploi aidé, condamné à l'échec à terme, parce qu'impossiblement pérenne ; le logement social condamné au chaos par défaut d'accès au foncier aménagé ; les exonérations sociales et fiscales et leurs effets d'aubaine.

Dans cette gamme, la gauche a su, avec une inconstante audace, moraliser un arsenal d'évasion fiscale et de spéculation rentière pour le transformer en dispositif de financement des PME, plus favorable à l'exploitant. Dans le même registre, la loi Girardin de 2003 était plus ample en potentialités et plus stable en durée : quinze ans, des secteurs d'activité élargis, des effets de seuil lissés, une bouffée d'air et d'argent frais pour les entreprises assez habiles pour se faufiler sans fil d'Ariane dans les méandres procéduriers des administrations sociales, des services fiscaux, de la bureaucratie centrale en cas d'agrément obligatoire.

Quatre ans plus tard, c'en est fini, mais là n'est pas le plus grave. Car c'est la logique même de cette partition qui est en cause. Ces lois de défiscalisation, dont la première date de 1952, la plus élaborée, de 1986 (loi Pons), prétendent bêtement se substituer au système bancaire. Hors la longue période de 1986 à 1998 où ces dispositions visaient d'abord à complaire à de riches contribuables tentés par la resquille fiscale sans risque, les versions successives ont tenté de répondre aux besoins financiers des PME, en comprenant qu'elles représentent 80 % du tissu économique.

Sauf que leurs besoins concernent leur haut de bilan : autofinancement, capitalisation, trésorerie. Dans les endroits normaux, ce sont les banques qui y pourvoient. Or, la plupart de celles qui sont installées dans nos pays ensoleillés pratiquent un surtaux d'intérêt de 2 à 4 points, au motif d'un environnement plus risqué. Autre fantaisie, le seuil Trichet qui interdisait le cumul de deux dispositifs financiers avantageux a été supprimé partout en France sauf outre-mer, sans que nul n'en explique le motif.

Ces banques, qui veillent à contrarier l'installation de concurrentes, peuvent continuer à privilégier les crédits à la consommation et renforcer l'économie d'importation, en prêtant plus volontiers 50 000 euros pour l'acquisition d'une voiture de luxe que 30 000 euros pour la création d'une entreprise, tandis que l'Etat s'empêtre dans des sacrifices fiscaux aussi profonds que le tonneau des Danaïdes, des montages fumeux de capital-risque, les sociétés spécialisées dans le financement d'entreprises exerçant exclusivement leur activité outre-mer (Sofiom) et autres originalités aussi inaptes que brumeuses.

Il nous faut parvenir à faire entendre aux gouvernements que le développement ne se raisonne pas à partir des entreprises qui n'en sont qu'un instrument, mais en fonction de la population à servir, de la jeunesse à former, des ressources à exploiter, et que, pour durer, il doit s'appuyer sur les savoirs empiriques, les connaissances formelles, les technologies adaptées, les rationalités sociétales, les codes culturels, le projet social.

Les choses ne furent jamais vraiment dites entre l'outre-mer et la France. Nous fumes "patients infiniment dans un pays où tous vivent sur les braises de la colère", disait Mahmoud Darwich dans Chronique de la tristesse ordinaire (éd. du Cerf, 1989). C'est un pacte républicain qu'il nous faut enfin conclure. Christiane Taubira est députée de Guyane (PRG), membre de la commission des affaires étrangères.




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