Immigration : amnésie ou déni de l’Histoire coloniale ?


Rédigé le Samedi 26 Mars 2011 à 10:15 |


Immanquablement, inlassablement, inexorablement… Les immigrés de France ont tous fini par se poser cette question. Désignés plus ou moins comme étant les responsables directs des maux de la Nation, ils n’ont qu’une alternative en somme, celle de subir les préjugés, les procès d’intention, les accusations, les insinuations, les discriminations, bref, les vexations de toutes sortes. Depuis deux décennies maintenant, d’abord sous la houlette du Front National et aujourd’hui celle de la droite U. M .P-ISTE au pouvoir, le sentiment anti-immigration gagne de plus en plus du terrain en France. Les discours (souvent électoralistes) ainsi que les différentes lois dissuasives, répressives, discriminantes liées à l’immigration tendent à faire croire aux Français que « les étrangers » vivant sur le sol français sont des « hors la loi » et des « tricheurs» qui se soustrairaient aux lois et aux règles du jeu de la République ! Il y en a même qui vont jusqu’à affirmer qu’ils viennent « voler »le travail des Français et « vider la caisse » de la Nation à travers les diverses prestations sociales. FAUX et ARCHI-FAUX !

Les exemples ci-dessous attestent d’ailleurs du non fondement de ces allégations. Non seulement ces immigrés occupent les postes délaissés ou refusés par les Français, mais ils contribuent et participent et de quelle manière au développement économique de la France :

- Les revendications des travailleurs sans papiers,
- les médecins issus de l’immigration réduits à accepter le statut d’infirmiers ou à être moins bien rémunérés que leurs collègues français dans les hôpitaux,
- les enseignants issus de l’immigration qui travaillent dans les collèges ou lycées alors qu’ils devraient tous évoluer dans les universités en tant que chercheurs ou autres. 95% sont titulaires d’un diplôme de doctorat de 3ème cycle, voire plus !

Arrêtons donc d’attiser ainsi la peur et la méfiance des populations d’accueil vis-à-vis de ces immigrés qui vivent d’ailleurs cette situation de diverses façons : les uns avec philosophie et résignation, d’autres frustrés et révoltés.

Mais qui sont-ils au juste et pourquoi choisissent ils la France ?

Certains vivent en France depuis plusieurs générations et sont même devenus français par naturalisation ou réintégration. Rattrapés constamment par leur origine, leur couleur de peau, leur passé, ils ne peuvent malheureusement pas se considérer comme partie intégrante de la communauté nationale. Ils sont tout simplement rejetés ! D’autres originaires de l’Afrique noire et du Maghreb (la majorité d’entre eux) sont des descendants des peuples des ex-colonies françaises. Ce n’est donc pas par pur hasard que ces Francophones ont choisi d’élire domicile en France. Il est alors évident que la présence de ces immigrés est en étroite corrélation avec l’histoire coloniale de la France, la Mère Patrie ! Et pourtant, c’est bien ce passé ignoré, occulté et nié collectivement (d’une manière inconsciente ou pas !) par les « Français de souche », les élites politiques et même les intellectuels qui justifie leur présence sur le sol français ! Cette colonisation a été pensée et menée de telle manière que le cordon ombilical n’ait pu être coupé définitivement avec ces pays ! D’ailleurs, la France n’a-t-elle pas maintenu des « relations privilégiées » avec toutes ces ex-colonies à ce jour ?

Entre le XV è siècle et le XIX ème siècle en effet, la France a pratiqué la traite des Noirs et s’est constituée des colonies en Afrique (du Nord au Sud) afin d’asseoir sa souveraineté politique, économique et culturelle et en faire surtout des sources de matières premières et de main d’œuvre à bon marché. Et aujourd’hui, on ose oublier ou nier presque cinq siècles d’histoire pour mépriser et humilier les descendants de ceux qui ont versé leur sang pour défendre la France ! Des études ont montré que la méconnaissance de l’histoire de l’empire coloniale par la population française constituerait une des causes principales de la « perception négative » de la présence de ces immigrés en France. Or, le silence sournois et l’absence de débat national autour de ce lourd passé esclavagiste et colonial ne sont pas de nature à inverser la tendance actuelle d’autant plus que certains n’ont pas hésité à revendiquer « le rôle positif de la colonisation ! »

L’Etat a beau faire voter des lois positives pour tenter de résoudre les discriminations et toutes les vexations liées à l’immigration, tant que le Français de base ne changera pas son attitude face à la diversité en acceptant le droit à la différence et en l’intégrant dans son schéma sociétal, le malaise entre les immigrés et la société d’accueil persistera.
Félix Orestile


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