TOUS CREOLES, NON MERCI !


Rédigé le Mardi 31 Mars 2009 à 19:02 |

TRIBUNE LIBRE DE GUILLAUME SURENA : On peut dire que le fier d'être blanc Roger de Jaham a bel et bien couillonné son meilleur nègre domestique GDC ,et fier de son poulain, il l'annonce partout comme futur Bâtonnier.
Mais dans tout ce ba-ta-clan, Aimé Césaire conseille qu':« il n’est pas toujours bon de barboter dans le premier marigot venu… »


Dans ce pays colonial, « il y a quelque chose de pourri » aurait dit Hamlet le personnage le plus universel de la littérature mondiale de tous les temps et la figure la plus caractéristique de l’homme de l’époque moderne. En effet un crime a été commis dans ce monde, contre l’ordre du monde dis-je,

il y aura bientôt 70 ans : l’émergence de la Négritude d’Aimé Césaire.
La société créole des békés avait façonné le pays à sa convenance : ses terres étaient créoles, ses « hautes demeures » étaient créoles, ses meubles étaient créoles, ses vêtements étaient créoles, sa cuisine était créole, ses contes en tant que système de représentation de soi étaient créoles, ses mulâtres étaient créoles, ses capres et capresses aussi, ses chabins et autres « chapés » étaient créoles, ses coolies aussi et bien sûr ses nègres ne pouvaient qu’être créoles ; ses poules et autres bipèdes aussi, ses chiens et autres quadrupèdes étaient créoles, le parler de chez nous étaient créole, ses intellectuels et littérateurs dont Baudelaire dénonça le manque de profondeur dans la créativité esthétique (et ça dure…) étaient les créoles des salons parisiens.


Tout semblait aller pour le mieux dans un pays qui n’a cessé de « crier pendant des siècles… que les pulsations de l’humanité s’arrêtent aux portes de la nègrerie ». C’est à ce moment, le pire de tous les moments, que Césaire se leva et dit : Assez de ce scandale !

Les bonnes consciences martiniquaises furent scandalisées à juste titre, car cette voix des profondeurs menaçait l’équilibre construit par les classes moyennes entre les Békés et le peuple noir. Que n’a-t’on pas dit dès lors contre Aimé Césaire ? Il était fou a-t’on fait dire.

Effectivement, il ne pouvait qu’être fou pour oser remettre en cause « trois siècles de nuit amère conjurés contre nous ». Il était dangereux et là les Békés et les classes moyennes n’avaient pas tort devant « la houle torrentielle » qu’il annonçait : « la négraille inattendument debout ! »


Surpris par l’extraordinaire effet Césaire, les blancs créoles, qui ont de l’expérience historique à revendre, ont attendu, car ils tiennent à leur revanche. Ils savent que ce que Césaire, à l’instar de Christophe, le Roi, demande aux hommes de ce pays exige un immense effort sur soi et contre soi-même et que cette contrainte entrainera la haine contre lui. Il suffisait de persévérer et d’attendre que la petite bourgeoisie avide de reconnaissance lance la contre offensive créole.


Les enfants de cette classe moyenne ne se sont pas fait prier. Je me flatte d’avoir, dès le départ, saisi le sens de toutes leurs simagrées : être un jour ou l’autre reconnu par la classe dominante.
Il y a plus de 35 ans, au début des années 70, une partie de la petite bourgeoisie intellectuelle s’interrogea, avec la gravité de fond de gorge qu’on lui connait depuis, sur la nécessité de faire des békés une bourgeoisie nationale pour bâtir l’Etat martiniquais.

Et puisque la majorité d’entre eux vivait encore avec les réminiscences de la case en paille qui vit naitre leurs parents, les nouveaux petits bourgeois ont habillé leurs prétentions intellectuelles des oripeaux des thèses les plus éculées du fameux « marxisme-léninisme » qui n’a rien à voir avec Marx et Lénine. Mais ils avaient ouvert la voie ; c’est d’ailleurs à partir de là que certains journalistes ont commencé relativiser.

Les nègres, car c’est toujours contre les nègres que commence toute pensée dans ce pays, devraient « comprendre » les blancs créoles ; ceux-ci ne sont pas responsables du passé de leurs familles. Sauf que, eux, ils revendiquent leurs familles : portraits et albums de photos en témoignent.

Puis ces enfants de la classe moyenne, utiles au fonctionnement du système, affichant titres, diplômes et savoirs faire, se sont mis à gérer au mieux… Pour cela il devint impérieux de donner une âme à leur existence régionale et à leur identité spécifique ; le vieil assimilationnisme ayant rendu l’âme pour cause de troubles obsessionnels compulsifs : blanchir la race et chantage au largage.

Et c’est là que la politique française rejoint nos conciliabules locaux : Giscard d’Estaing décida de permettre l’étude du créole à l’université. Ce choix politique, dont peu de gens ont mesuré l’importance, ouvrit de nouvelles perspectives à la classe moyenne. Ses représentants éclairés qui ont tant ignoré et méprisé le créole de leur enfance se sont mis, dans la fièvre humide, à combler leur retard. Ils ont construit un créole spécial qui s’éloigne de plus en plus de la créativité du créole du peuple et bien sûr au nom du peuple.

Pour domestiquer cette langue, ils ont créé une écriture qui se veut la plus éloignée possible du graphisme du français. Au point extrême où il faut une loupe spécifique pour éviter la crise de tension au niveau des yeux. Résultat : cet effort est en train de faire du créole, langue vivante s’il en est, une langue morte. Toute langue vise spontanément à l’économie de ses moyens, nos linguistes spécifiques affirment la nécessité d’inverser la tendance et de rendre l’appropriation de notre langue plus complexe.

En conséquence leurs laboratoires de recherche, grassement subventionnés par l’Etat français, la Région et le Département depuis 30 ans, sont incapables de fournir un dictionnaire créole. Au mieux, nous avons des lexiques créole-français et français-créole. Comme quoi, on peut l’aménager, la dépendance vis-à-vis du français reste la dépendance.

Ensuite ce fut le tour des littérateurs d’apporter leur contribution à la lutte contre l’intransigeance de Césaire. Un manifeste nommé « Eloge de la créolité » a été édité comme on dresse un tribunal pour juger Césaire et la Négritude responsable de tous les maux du pays. Leur maître à penser le non-philosophe Edouard Glissant n’avait-il pas déclaré, dès 1975, que le cri césairien ne servait plus à rien.

Messieurs J. Bernabé, P. Chamoiseau, R. Confiant ont proclamé les richesses de ce monde créole que Césaire aurait été incapable de percevoir pour cause d’aliénation africaniste. Incapables d’assumer leur désir de meurtre du père avec toute la culpabilité que cela génère, ils ont enseveli notre Vieux Nègre dans le sarcophage de l’Anté-Créole, tout en proclamant peureusement : « nous sommes fils à tout jamais d’Aimé Césaire ».


Toute leur littérature consiste à faire le bilan de ce que les créoles ont fait dans ce pays. Ils se sont montrés livre après livre incapables de faire la critique de la notion de créole. Pour résumer : ils écrivent à la fin du XXème siècle et en ce début de XXIème siècle la littérature du XIXème siècle et du début du XXème siècle.

Et les éditeurs français soutiennent cette imposture qu’ils n’accepteraient pas d’un français. L’opacité qui nous enveloppe excite l’éternel exotisme des occidentaux.
Mais c’est dans la presse que l’entreprise pro-békée a trouvé ses meilleurs représentants. Critiquer le béké est devenu suspect.

L’hebdomadaire Antilla, qui est devenu le journal du Béké le plus riche des Antilles, s’est illustré dans la culpabilisation des nègres. Messieurs Henri Pied et l’inénarrable Pétricien, alias Tony Delsham, dans un mouvement d’identification à l’agresseur, n’ont eu de cesse de nous faire pleurer sur le triste sort réservé aux blancs créoles. Ceux-ci seraient victimes du racisme… des nègres.


C’est d’ailleurs dans le numéro 1273 du 15 au 22 novembre 2007 que je trouve le premier éloge de cette nouvelle association « Tous créoles » initiée par le béké Roger De Jaham, connu pour sa susceptibilité à quelque critique formulée sur le blanc créole. Et comme tout béké qui se respecte, il souhaite faire « découvrir l’intégralité de l’œuvre de Bissette », celui qui appela les nègres, en 1848, à oublier l’esclavage.

Dans son article monsieur Gérard Dorwling-Carter nous dresse un tableau surréaliste de cette réunion baptisée, d’ores et déjà, d’historique par des participants soucieux de leur autobiographie. Lisons-le : « Cela veut dire que publiquement –l’évènement s’est déroulé le vendredi 9 novembre à 17 heures dans les salons de l’ancien aéroport- des chabins, mulâtres, nègres, békés, chinois, descendants d’indiens de syriens et de libanais- ont apposé leur signature sur un contrat social qui prend valeur historique.

L’histoire en effet parlera de ce jour du mois de novembre où des hommes et femmes vivant sur ce bout de territoire d’accueil colonial ont décidé de renverser l’ordre du non-dit, celui qui veut que l’on mesure les qualités de l’homme à son degré de mélanine, au crépu de ses cheveux, en bref à son adéquation physico-morphologique au modèle de l’homme européen ».

Plusieurs objectifs justifient cette rencontre métissée :•« l’accès aux lieux et sites jusque là réservés ». Ah bon ! nous sommes donc bien en situation d’apartheid •« créer une « Rue morphologique » Qu’est-ce que ça veut dire ? •« mais surtout faire que les jeunes et les femmes des communautés qui se côtoient sans se connaitre réellement puissent se découvrir et très certainement créer des liens qui font une société « apaisée » ».


C’est parce que nous ne sommes donc pas apaisés que les jeunes et les femmes békés ne côtoient pas les nègres. Que de sophisme pour faire allégeance à la classe dominante !
Beaucoup d’intellectuels non békés ont fait le déplacement, titres et diplômes français en bandoulière. Bernard HAYOT, le grand béké qui a succédé aux Aubéry dans le leadership béké, était absent « trop occupé par ses affaires », nous dit-on.

Comment un tel mépris est-il encore possible ? De toutes les façons, être absent est toujours la meilleure méthode pour être au centre d’un rassemblement hétérogène.

Le Dieu monothéiste blanc n’a-t’il pas donné l’exemple ? Le savoir faire des békés avec leurs nègres et autres métis est inimitable.
Le racisme est à la base de ce projet qui veut que « nous nous rencontrions toutes « couleurs » réunies pour refonder notre communauté ». L’idée de métissage biologique qu’il y a au fond de cette pensée est une catastrophe pour notre pays. Car il est faux de croire que c’est la couleur qui divise la Martinique.

Ce sont les intérêts concrets des classes sociales qui sont à l’œuvre.
Les Békés qui forment la classe sociale la plus cohérente du pays savent que c’est d’eux que découle toute légitimité dans cette Martinique. Ils ont la conscience aigue que leur présence rassure les autres en les empêchant de s’entretuer.

Tout rassemblement devra se faire donc autour d’eux et au détriment des autres comparses.

Tous ceux qui se rassemblent autour de l’esprit créole ne sont pas (il y en a !) des chiens de garde. Il y en a qui veulent tenter l’expérience et voir où ça mène. De toutes les façons, les sacrifices ne seront pas énormes puisque l’appartenance à la France n’est pas remise en cause.

Il y a aussi ceux qui ont entrainé des générations de martiniquais dans tellement d’échecs sans remettre en cause leur soi-disant supériorité intellectuelle, qu’ils pensent qu’un échec en plus n’est pas bien grave.

Ce n’est pas la première fois que les classes moyennes recherchent les faveurs de la caste blanche dominante, mais c’est peut-être la première fois qu’elles pensent avoir des chances de faire la noce de leurs fils chez ces gens-là, dans la « haute demeure ».

Le malheur a son bon côté : la lutte finale aura finalement lieu !

Guillaume SURENA
PSYCHANALYSTE
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