UNE GREVE EN DEUX MOTS ET DEUX IMAGES ( ARTICLE SOUMIS PAR UN LECTEUR QUI N' A PAS LAISSE SON NOM)


Rédigé le Dimanche 15 Mars 2009 à 10:33 |

Cet article ne correspond pas à la vision éditoriale du Naïf, mais nous le diffusons tout de même. D’une part parce qu’il a été rédigé par un lecteur du Naïf qui a pris le temps de le faire, et parce que d’autre part cette analyse est intéressante à décortiquer. Arrêtons-nous à une observation : Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. ( Les photos sont de la rédaction du Naïf )
Faites vous votre idée. Si vous été d’accord dites le. Si zot pas daco di sa osi .
Réagissez dans la rubrique commentaire accessible à la fin de l’article.


Une grève en deux mots et deux images

Deux mots
Le premier mot est pwofitasyon, néologisme issu du génie créole que j’écrirai profitation pour mieux le rapprocher du deuxième mot : provocation. Les deux mots ont le même nombre de lettres et sont construits sur la même structure. A prime abord, l’un serait plus d’action (fit) et l’autre de parole (voc). C’est en contrepoids à la profitation que le Collectif en a appelé à la mobilisation et à la grève générale et ses porte-parole ont à maintes reprises restimulé les militants, en invoquant la provocation des partis adverses.
Le génie de profitation est d’être un mot slogan, le rêve de tous les concepteurs publicitaires. Dans un pays où l’on noie parfois les idées dans un déluge de mots, où les panneaux publicitaires (4x3) qui doivent être lus instantanément, peuvent en contenir des centaines, voici qu’apparaît un mot définitif qui vaut mille discours. Profitation ne dénonce pas les profits mais le fait d’avoir l’ambition de profiter de sa situation pour se gaver de profits. Il y a dans profitation l’image de l’accumulation cupide, pendant des siècles, de l’exagération des profits. Profitation suggère une organisation, un système, un circuit fermé du profit. Le mot force l’attention, nourrit la réflexion et pousse à l’action (il faut que cela cesse). Tout ce que l’on demande à un slogan … en un mot !

Le deuxième mot, provocation, est employé à tort, à travers et à outrance par les membres du Collectif, y compris par ses plus hauts dirigeants. La logique sous-tendue de violence derrière ce mot est : si tu me cherches tu vas me trouver… de même, si tu ne me cherches pas ! Toute contre-manifestation est une provocation, des membres des forces de l’ordre sur le toit des édifices est une provocation, un panneau publicitaire invitant toutes les composantes du pays à travailler ensemble est une provocation, se rendre à son travail en contournant les barrages est une provocation, ouvrir sa boutique rue Victor Hugo est une provocation, augmenter le nombre de gardes mobiles après une nuit d’émeute est une provocation.
Une provocation est une incitation à commettre des actes répréhensibles. De deux choses l’une. Ou bien le Collectif manque de jugement, de discernement et de sang froid et voit de la provocation partout, ou bien il cherche cyniquement une excuse à sa propre violence présente (barrages, intimidation) et future (menace de durcissement).
A chaque fois que le Collectif est à court d’arguments, il affirme : à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Font aussi partie de son discours, les arguments que la pwofitasyon dure depuis des siècles et que son mouvement est un mouvement populaire, ce qui justifie les écarts. Je concède que la profitation est une forme de provocation. Mais pour être reconnu comme mouvement populaire, il ne suffit pas de faire défiler cinq mille adhérents. Une multitude de faits démontrent que ce mouvement n’est pas un mouvement populaire. En voici deux et peut-être trois.


Deux images
Il y a un barrage à Carrefour Génipa, qui bloque la route conduisant à une grande surface et à une petite zone commerciale.
En ce dimanche après midi, il y a énormément de monde dans le secteur. Maintenant que homo martinicus a de nouveau accès à l’essence, il reprend ses activités de week-end. En quittant l’autoroute, l’on appréhende une circulation difficile et des ennuis liés au barrage.
Eh bien, pas du tout ; il y a deux ou trois militants assis sur un tas de pneus, dans l’indifférence générale. L’attention, l’activité, l’énergie est ailleurs ; ce qui est aimé du plus grand nombre pour citer Larousse, ce sont les kiosques de denrées et en particulier celui de l’excellent poulet, où l’on est servi avec tellement de courtoisie et de gentillesse, malgré la cohue et dont la file d’attente s’étire jusqu’au barrage du Collectif. Aucun échange entre les rouges et les amateurs de poulet et de ribs. Aucun encouragement de la part de ceux-ci ni d’information de ceux-là. Deux mondes qui s’ignorent.
La deuxième image est à la télévision. Nous avions déjà vu cette foule invraisemblable au François, à l’ouverture inopinée du Champion. A voir le volume des achats, le peuple ne semblait pas beaucoup se soucier des discussions byzantines sur les produits de première nécessité, qui duraient depuis un mois. Sans être surprenant, ce fait laissait songeur. Encore plus révélateur, fut l’ouverture du Géant à schoelcher où l’on a vu le peuple avoir peur des rouges et où l’on a entendu une de ceux-ci dire en substance : nous n’avons pas besoin d’intervenir, nous n’avons qu’à apparaître et ils comprennent. Mouvement populaire ?

Au Carbet, la foule exsangue, muette, pendant qu’à la fin du meeting, sur scène, le Collectif chante l’Internationale.

N’est pas toujours populaire celui qui voudrait l’être ! Une grève peut être habile, imaginative et soulever dans le peuple une adhésion totale et amusée, mais celles d’inspiration bolchévique le font rarement.

Au Carbet, la foule exsangue, muette, pendant qu’à la fin du meeting, sur scène, le Collectif chante l’Internationale.

N’est pas toujours populaire celui qui voudrait l’être ! Une grève peut être habile, imaginative et soulever dans le peuple une adhésion totale et amusée, mais celles d’inspiration bolchévique le font rarement.


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