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CONTRIBUTION AU DÉBAT SUR LA QUESTION DU STATUT: Par Édouard de Lépine


Rédigé le Dimanche 3 Octobre 2010 à 12:05 |

De la Rédaction: Le débat est ouvert, et tout doit être dit et la pirouette de l'Histoire est la présence aux commandes de la décision du Pays Martinique, deux politiques issus de la même matrice. Edouard de Lépine ouvre le débat. Dans nos colonnes la parole circule. Envoyer vos contributions.


Le gouvernement est manifestement pressé de tout boucler le plus rapidement possible, en tout cas avant les présidentielles et les législatives de 2012. Il se mettrait à l’abri d’un éventuel renversement de majorité et organiserait sans difficulté majeure la mise en place des nouvelles institutions. Il rendrait ainsi plus compliquée la remise en question des principales dispositions de cette réforme même si la majorité actuelle devait être battue en 2012.

Du moins l’opinion aura-t-elle été très largement informée pendant trois ou quatre ans du contenu des réformes, des avancées qu’elles comportent comme des reculs ou des risques qu’elles font courir à la démocratie. Quelque réserve qu’inspire le pouvoir de l’argent sur l’information en France, la qualité des débats sur les médias, toutes nuances confondues, aura laissé peu de place au malentendu.

On est pour ou on est contre. Mais on sait qui veut quoi. Les électeurs en 2012, pour les deux élections les plus importantes de la vie politique française, les présidentielles et les législatives comme pour les cantonales de 2011 et les sénatoriales de 2012, se prononceront en toute connaissance de cause.

On peut difficilement en dire autant pour la Martinique. Ce n’est pas que le temps nous ait manqué. Sans remonter aux temps forts d’un débat commencé il y a plus d’un demi-siècle, par la rupture de Césaire avec l’assimilationnisme qui a si profondément marqué notre vie politique depuis l’Abolition, disons pour aller vite que la question dite du statut relancée, il y maintenant plus de 13 ans, en 1997, par la lettre sur l’assemblée unique adressée par feu le député Camille Darsières aux présidents de nos deux collectivités, Claude Lise au Conseil Général, Émile Capgras au Conseil Régional, n’a pas cessé d’occuper les esprits depuis plus d’une décennie.

Le débat a été ponctué par trois consultations qui n’ont apparemment rien tranché, le 7 décembre 2003, le 10 et le 24 janvier 2010.

C’est peu de dire qu’on n’a pas le sentiment d’avoir avancé. On a peut-être même reculé. Pour cacher ou masquer ce recul, nous sommes lancés depuis les dernières élections régionales dans une course irréelle à des ersatz de propositions plus ou moins abracadabrantesques dont le sérieux ne saute pas aux yeux. Rien n’en mesure mieux la légèreté que cette lettre de commande à « un collège d’experts » saisi le samedi 26 juin pour fournir une réponse le mardi 29. Une réponse qui devait être discutée le mercredi 30 par des commissaires ad hoc chargés de préparer une rencontre initialement prévue pour début juillet avec le gouvernement.

Si l’on avait encore quelque doute, le constat sans complaisance du président de la commission ad hoc du Conseil Régional, curieusement annexé à un rapport supposé procéder d’une commune volonté de parvenir à un compromis acceptable par le plus grand nombre, aura probablement emporté les dernières illusions des observateurs les plus optimistes.

À qui et à quoi peut servir la précipitation ?


Qui, aujourd’hui à la Martinique, peut avoir intérêt à agir dans la précipitation, l’improvisation, la cacophonie et la confusion qui semblent caractériser la démarche de nos élus ?
Même pas ceux qui ont appelé à voter pour l’article 74 de la constitution. Deux fois désavoués par les électeurs en janvier et en mars, ils peuvent évidemment choisir la politique du pire et jouer les Cassandre à peu de frais. Ils laisseraient à leurs vainqueurs désunis, la responsabilité d’un échec prévisible.

Nous nous retrouverions dans le droit commun comme la Réunion qui n’avait rien demandé ou comme la Guadeloupe qui avait souhaité un délai de réflexion de 18 mois, avec, semble-t-il, l’aval du Président Sarkozy. Un délai qu’elle a remarquablement exploité pour produire un excellent travail, le Rapport Lurel, dont le gouvernement n’a tenu aucun compte.

À part les départementalistes, plus résignés que convaincus, personne, en tout cas pas le peuple martiniquais, ne gagnerait quoi que ce soit à précipiter les choses. Ceux qui ont fait confiance au Président qui leur avait dit : « tout sauf le statu quo », n’auront pas perdu. Le nouveau régime ne ressemblera pas à l’ancien, mais nous serons toujours dans le même rapport de subordination au pouvoir central. Une subordination probablement aggravée du fait de la conjoncture. Nous serons des Français comme les autres, relevant du droit commun comme les autres, sans contrainte particulière mais sans avantage spécifique.

Il suffit de discuter avec un responsable politique français, de droite ou de gauche, pour s’en rendre compte : la France en a marre de nos caprices d’enfants gâtés de ce qui reste de ce qui fut le colonialisme français, qui ne savons toujours pas ce que nous voulons. Elle est prête à nous donner ce que nous voulons, y compris naturellement l’indépendance, même si les indépendantistes ont trop peur de l’indépendance pour la revendiquer.

Les autonomistes seraient-ils dans la même situation ? Après avoir disparu pendant plus de neuf mois tout comme son substitut « la troisième voie », une fausse couche enterrée au bout de quelques semaines en même temps que le MAP, le mot autonomie semble avoir fait une timide réapparition, il y a quelques jours. Jusques à quand ?

Une seule certitude. Si nous ne parvenons pas à faire des propositions qui tiennent la route, nous resterons prisonniers du droit commun.
Après tout, c’est peut-être ce que mérite le spectacle lamentable que nous donnons depuis quelque temps. Ce n’est pas que nous ayons renoncé à nos spécificités, à nos particularités, à nos singularités, toutes choses dont nous ne sommes évidemment pas les inventeurs, le colonialisme en ayant fait jadis ses choux gras pour nous refuser l’égalité.

Du moins avons-nous gardé notre identité et même notre identité nationale. Nous ne sommes pas aussi nationalistes ni aussi provocateurs que Malsa. Nous ne hisserons pas au fronton de l’Hôtel de Région le drapeau (imaginaire) rouge vert noir de Septembre 70. Mais nous ne sommes pas moins patriotes que Marie-Jeanne. La preuve ? Nous n’allons pas faire flotter le drapeau bleu blanc rouge sur le Conseil Régional.

Mieux. Nous n’allons même pas nous appeler Région comme les régions de France… comme Césaire le préconisait il y a 52 ans. Nous serons « la Collectivité Martinique ». C’est le seul point qui ait fait l’unanimité des responsables de la négociation avec Mme Penchard (et encore cela n’est même pas sûr !). Ils se sont mis d’accord aussi, avec quelle condescendance ! sur un strapontin à réserver aux communes, dans un conseil consultatif.

Mais sur l’essentiel ? Sur le nombre d’élus de la future assemblée unique ? Sur le mode d’élection de cette assemblée ? Sur son fonctionnement ? (pardon, sur sa gouvernance ! c’est tellement plus précis et tellement plus moderne, cet américanisme !) Sur ses ressources ? Sur ses compétences ?
L’électeur n’en saura pas plus que ce qui est contenu dans le fameux rapport remis la semaine dernière aux deux présidents Serge Letchimy et Claude Lise. Un rapport dont la vacuité n’a d’égale que la présomption ridicule d’exprimer la volonté de ceux qui ont voté non au 74 et oui au 73.

J’ai voté non au 74 mais ni oui ni non au 73, estimant que je n’avais pas à répondre à une question qui n’avait pas été posée par les élus martiniquais mais imposée par le Président de la République. Je n’en suis pas moins intéressé par l’usage qui pourrait être fait de ce 73 et par la mise en place de cette assemblée unique dont peut dépendre en grande partie le destin de ce pays.

C’est dire qu’il n’est pas trop tôt pour sortir le débat des conciliabules entre élus et experts vrais ou faux, sans parler de quelques constitutionnalistes de contrebande toujours à l’affût d’un bon coup médiatique.
Il faut porter le débat dans les partis et dans la rue c’est-à-dire dans l’opinion, la réveiller de ce quiétisme malsain dans lequel elle semble se complaire et qui pourrait nous coûter cher si nous étions incapable de saisir la chance que nous avons encore, si ténue qu’elle soit, de rassembler ce pays autour d’un projet modeste mais cohérent qui, à défaut de garantir un progrès significatif dans notre vie publique, en empêcherait une irréversible dégradation.



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