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DISCOURS DU 22 MAI 2009 A TRENELLE DU PRESIDENT DU PPM SERGE LETCHIMY


Rédigé le Mercredi 3 Juin 2009 à 05:34 |

De la Rédaction du Naïf: Un 22 mai pas comme les autres.
Ceux qui ont voulu être là y étaient.
Ceux qui attendaient une invitation ethnique étaient absents.
Les choses sont maintenant claires ,quand on est Martiniquais, on participe au 22 mai n'importe où sur le Territoire Martiniquais.
C'est comne ça, n'en déplaise aux tenants des invitations etnniques.
Un discours qui fera date,aux lendemains de la profanation de la Place du 22 mai par les féodalités bananières venues briser le mouvement social du 5 février.


DISCOURS DU 22 MAI 2009 A TRENELLE DU PRESIDENT DU PPM SERGE LETCHIMY
LE DISCOURS

Chers camarades, chers amis,
Mon cher Jacques Bangou



J’aurais pu commencer mon intervention par une réflexion de plus sur la place et le rôle des émancipateurs blancs, mulâtres ou institutionnels (dont Schoelcher, l’Abbé Grégoire, le gouvernement provisoire….) dans l’abolition de l’esclavage.

Seulement, les discours d’Aimé CESAIRE suffisent à nous éclairer pleinement sur les valeurs et la portée de ces luttes précieuses…

J’aurais pu aussi dresser l’apologie de la révolte du 22 mai, autour de Saint-Pierre et de l’esclave Romain. Un événement qui fut l’aboutissement d’un long processus de rébellion commencé depuis longtemps, chez nous et ailleurs, et se déployant dans un sens intangible, toujours le même : celui de la liberté...

Un événement qui fut aussi et surtout l’éclatante attestation que l’esclave fût un acteur déterminant de sa propre liberté.

J’aurais pu être aussi tenté d’effectuer l’analyse des soubassements politiques, moraux, intellectuels et économiques d’un tel drame. Soubassements insondables où la négation du fait humain atteint la cruauté la plus extrême … justifiant une spirale de crimes, d’assassinats, d’exploitations et d’extinctions de peuples entiers…

Mais je préfère vous renvoyer au célèbre Discours sur le colonialisme, où non seulement Césaire règle ses comptes avec tous les penseurs négationnistes, racistes et colonialistes en tous genres, mais où surtout il dénonce les instigateurs de ces besognes indignes, l’Europe tout entière, celle qui nous a « gavé de pestilence et de mensonges », alimentant des thèses indéfendables sur l’infériorité de la race noire : thèses de Gobineau, de Jules Romain et des obscurs zélateurs de l’action colonialiste du christianisme…

Cependant, au-delà de cette condamnation sans appel, Aimé CESAIRE nous a laissé un message essentiel : il nous a appelé à la dignité et à l’espérance, Par ces mots que je vais vous citer, il a prophétisé un avenir d’espérance : « Malgré le drame dans ces sociétés, colonisées et détruites, ni le mot échec, ni le mot avatar, n’avaient de sens.

Ces sociétés réservaient, intactes, l’espoir ».
J’aurai pu aussi, par devoir de mémoire, évoquer :
• L’épopée de Louis Delgrès, sacrifiant sa vie et celles de ses compagnons à la Redoute du Matouba en 1802 pour sceller dans nos consciences un message universel : la liberté n’a pas de prix, la liberté est au-dessus de tout. Et, pour l’obtenir, tout sacrifice est indispensable. Jacques Bangou en a parlé hier avec brio…

• Le sacrifice de Toussaint Louverture qui défia l’armée de Napoléon avant de mourir dans le Jura en 1803. Toussaint et Dessalines, pères flamboyants de la nation haïtienne…

• Les combats désespérés pour l’émancipation, menés par d’innombrables esclaves, et que l’on retrouve dans des écrits peu connus, souvent oubliés, ou dans des autobiographies rédigées par des esclaves eux-mêmes. Celle, par exemple, d’olaudah Equiano esclave américain qui a révélé au monde ce crime contre l’humanité et la dignité de ses victimes.

Ou encore, dans les témoignages de William E.B. Dubois au 19ème siècle, afro-américain, ancien esclave, qui a parcouru le monde pour défendre les idées abolitionnistes. Ou encore dans les récits tout aussi honorables, qui témoignent des luttes d’après les abolitions où il a fallu trouver des voies inédites pour l’émancipation ou l’intégration de ces hommes et de ces femmes asservis pendant des décennies.

Parmi eux, citons Claude Mac Kay, Richard Wight, Langston Hugues , Marcus Garvey, Malcom X, Martin Luther King… ; et bien entendu les pères de la Négritude, Césaire, Damas et Senghor.
Il y aurait tant de choses à dire...

Seulement, les circonstances actuelles m’imposent d’utiliser ces admirables énergies du passé afin de vous vous parler directement de l’avenir.

Deux évènements majeurs ont marqué nos régions et le monde.

En premier lieu : le mouvement du 5 février en Martinique et celui mené par le LKP en Guadeloupe nous ont bien montré qu’au-delà d’une revendication sociale, il s’agissait bien d’une crise. Une crise d’une dimension sociétale considérable. Et même : une crise politique majeure dont on est loin d’en avoir mesuré l’amplitude. Une crise politique, exacerbée par l’organisation d’une société encore soumise à la logique d’une économie de rentes et de comptoirs.

Cette soif de respect, ce besoin d’égalité, cette revendication d’identité, et ce besoin de démocratie économique, constituent des enjeux contemporains majeurs auxquels nous nous devrons de répondre le plus tôt et le plus complètement possible.

En second lieu : l’élection de Barack Obama, dans un pays, les Etats unis, certes démocratique, mais où les pesanteurs du système esclavagiste originel sont encore très actives. Une société encore marquée par le racisme d’où découle une ghettoïsation communautaire des plus extrêmes, (l’ouragan Kathrina en fut un révélateur éloquent).

Une société où l’impérialisme est la règle ; où l’économie est soutenue par un système ultralibéral prédateur ; où les dirigeants sont généralement animés de l’esprit de domination… Dans une telle société, l’avènement d’un noir métissé, au discours pacificateur, à la vision très large, était inespéré.

Son élection fait date et ouvre la voie d’une espérance nouvelle : celle d’un dialogue des civilisations, respectueux des équilibres culturels, écologiques, économiques et historiques du monde.
Mais, à l’occasion de la célébration du 22 mai dans notre pays, on peut légitimement se poser des questions sur cette nouvelle perspective.

Est-ce une circonstance fortuite, ou est-ce que l’humanité ne serait plus réduite au monologue de la puissance et de la domination de la race blanche ? Et mieux : aurions nous dépassé le principe très occidental qui fait que toute rupture dans l’équilibre du pouvoir, au niveau de la gouvernance mondiale, passe par une redéfinition de l’ordre socio-racial ?...

Le monde serait-il à l’heure révolutionnaire du dépassement de la race ?

On aimerait bien le penser, seulement certains faits dans le monde, nous invitent à la plus grande prudence. Notamment, la nouvelle politique de l’immigration en Europe, et particulièrement en France où a surgi l’article 4 de la loi de Février 2005 que nous avons réussi à faire abroger.

Notamment, la directive européenne de la honte qui a durci les règles de l’immigration y compris contre les femmes et les enfants. Notamment, la gestion comptable et policière des expulsions qui ne laisse de place ni social, ni à l’humaine compassion.

Je parle de cette vaste hypocrisie où on peut expulser n’importe qui, n’importe comment, tout en sachant que l’Europe à besoin d’immigrés pour faire face à sa stagnation démographique ; tout en sachant que le besoin en main d’œuvre, en cuisiniers ou laveurs de vaisselles, n’est satisfait que par les boat-peoples du désert ou de la mer.

Je veux parler de la fermeture de Sangatte aux réfugiés de l’Est, aux Afghans, etc… pour laisser place à une jungle déshonorante.

Je veux parler des honteuses négociations signées avec certains chefs d’Etat africains, pour retenir au pays des peuples affamés, victimes de pouvoirs corrompus ou des désastres du changement climatique.

Dans le monde, un enfant meurt toutes les minutes, de faim, ou de malnutrition, ou broyé par une guerre. Mais ces enfants qui meurent vite et en masse ne se trouvent pas n’importe où sur la planète.

Cette hécatombe n’a pas lieu en Occident, encore moins dans l’hémisphère nord, jamais dans les anciens pays colonisateurs. Elle a lieu dans l’hémisphère sud, le plus souvent dans les pays jadis colonisés et particulièrement en Afrique, en Asie, ou en Amérique du sud. Et ce n’est pas un avatar de la malédiction de Cham !

Ce n’est pas l’esprit de Cham qui nous poursuit - comme un sort jeté au nègre - mais l’inévitable accomplissement d’une domination qui trouve ses racines dans l’idéologie de la race supérieure. Idéologie qui trouve dans la domination technologique et spéculative, les nouvelles justifications d’une gouvernance mondiale de prédation.

Je parle de la surexploitation économique des terres et des forêts, comme en Haïti, par un peuple poussé depuis des siècles à la misère ;

je parle de la politique néo-coloniale d’un capitalisme financier dévastateur, qui régit le monde et qui se trouve à l’origine de la crise financière actuelle ; je dénonce l’exploitation des ressources minières des pays en voie de développement et les scandales des grandes compagnies pétrolières abusant de leur position dominante ;

je parle du développement inconsidéré des agro-carburants au détriment de l’autosatisfaction alimentaire locale ; je dénonce le marché carbone dans le cadre des luttes pour la réduction des gaz à effet de serre, au détriment des pays pauvres, et au profit des pays riches.

Tous ces drames du monde, sont autant de raisons d’inquiétudes qui montrent qu’au-delà de la décolonisation, de l’abolition de l’esclavage, demeurent encore des attentats qui rendent les hommes esclaves.

Demeurent encore des pays qui sont dans les champs de la prédation néo-coloniale, des pays soumis à de subtiles dominations fondées sur d’autres méthodes de construction de la dépendance, souvent avec la complicité de potentats locaux.

L’idée que serait révolue la pensée occidentale d’une mission de civilisation (impérialisme et domination) est une absurdité. L’idée d’un monde multipolaire chemine de manière suffisamment poussive pour que l’uniformisation insidieuse prenne le pas sur une civilisation de la diversité.
Alors, je préfère m’accrocher aux seules choses qui vaillent dans l’immédiat : lutter contre l’oubli et renforcer notre conscience d’être. D’être martiniquais, d’être guadeloupéens…

Lutter contre l’oubli ?
Nous y sommes. Nous avons maintenu la célébration du 22 mai malgré une situation sociale des plus difficiles. Nous l’avons maintenue car nous savons désormais que l’oubli est une porte vers l’abîme.

Se doter d’une conscience d’être ? Nous nous y attelons au PPM. Car nous savons que la conscience est un pont pour notre traversée. Cette longue traversée à laquelle nous sommes tous appelés, tous avec un but précis : celui de l’émancipation du peuple martiniquais.

Mais pour traverser, pour construire notre route, il nous faut rester unis. Unis à l’écoute du peuple. Pas au-dessus du peuple mais avec le peuple. Pas prétentieux et pressés mais à l’écoute très humble des revendications.

Et il nous faut surtout rester fidèles à la doctrine laissée par nos aînés. Rester forts. Rester soudés. Rester déterminés. Car de notre implication et de notre mobilisation dépendra la victoire. C’est pourquoi notre responsabilité est grande.

Ainsi, chers amis, comment peut-on se référer à l’immense œuvre d’Aimé CESAIRE sans se donner les moyens, la force, la disponibilité, d’être à la hauteur de la mission qu’il nous a confiée ?

Comment gagner un tel combat, celui de la liberté – en ce qu’elle porte d’autonomie – sans un dépassement de nos égoïstes individualités, ou sans la mobilisation, (en France, en Europe, ici en Martinique, et dans la Caraïbe) d’un nouvel état d’esprit.

Celui de l’autonomie auto-instituée, tout de suite, dans chacun de nos choix, de manière explicite et permanente. Et cela dans l’idéal de progrès et de solidarité que nous a rappelé le docteur Aliker : « Il ne faut jamais permettre que l’intérêt général soit noyé dans les eaux glacées des intérêts privés. »

Comment gagner sans prendre conscience de cette responsabilité qui est la nôtre ? Celle d’aller jusqu’au bout de la lutte pour l’émancipation et pour l’autonomie ! Celle du Parti Progressiste Martiniquais !
La responsabilité de ceux qui sont à la maison, (la maison du PPM), de ceux qui n’ont pas trahi, ni l’homme, ni la cause ! La responsabilité de ceux qui sont porteurs d’un avenir pour ce pays en évitant les marigots du populisme et du mercantilisme !

Le PPM a une doctrine.
Le PPM a une philosophie.

Il a toujours donné un sens politique à son combat. Notre idéal de progrès est indissociable de notre idéal de solidarité sociale et d’équité. Notre mot d’ordre d’autonomie est incompatible avec une société d’autocratie qui ne respecte pas les libertés individuelles et qui ruse avec la démocratie. L’Autonomie est un processus de construction culturelle de la responsabilité auto-instituée, et non une mise sous tutelle sociale du peuple.

Elle se situe dans l’interaction démocratique, et non dans l’isolement et dans l’enfermement doctrinaire.

Sans boussole et sans cap (en clair : sans une éthique) il n’y a ni issue politique et ni société sainement organisée. On pourrait imaginer qu’en tant que militants nous ayions des droits. Certes. Mais nous avons surtout un devoir : celui d’aller jusqu’au bout et de transmettre cet idéal de progrès et de liberté qui nous a été légué.

Et cela sans jamais trahir notre conscience, à l’image de cette femme sculptée par Khokho René-Corail qui n’a jamais trahi sa destinée. Je la regarde. Elle est prête au sacrifice… Elle est prête à défendre son enfant peut-être mort…

Oui, le désespoir donne le sentiment légitime d’une capacité à composer, d’une présence humaine prête à recommencer la création. Son enfant, mort ou pas, elle est prête à continuer la bataille, à continuer la vie, à redémarrer. Et c’est dans cette constance que se fonde sa liberté ! C’est ainsi qu’elle est libre ! L’art de Khokho exprime l’essentiel : le devoir de résistance. Aimé Césaire le décrivait ainsi : « Ici le nègre n’est plus l’objet, il est le sujet… Eh bien cela, c’est la vision martiniquaise de la libération des nègres…..

Il ne reçoit plus la liberté. Il la prend et on nous le montre la prenant… ».

Aimé CESAIRE, Pierre ALIKER et Camille DARSIERES, ont été des initiateurs d’une pédagogie de la résistance. Ils ont eu raison en devenant les précurseurs de cette date historique du 22 mai 1848, aujourd’hui chômée et célébrée.

C’est une date historique pour le peuple martiniquais qui n’atténue en rien l’importance de la date du 27 avril. Ils ont eu raison d’installer ici la 1ère statue dédiée à l’abolition. Et pas n’importe où ! À Trénelle ! Quartier chargé de symbole, de résistances et de souffrances. Pas par n’importe quel artiste ! Mais par KHOKHO René-Corail ! Homme de liberté ! Homme de fidélité à son peuple et à son pays !

Chers camarades, si on peut faire des concessions sur beaucoup de choses, si on peut s’entendre sur tout, aucune concession ne peut être faite sur l’histoire. Dès 1958, le PPM, ses leaders, ses militants, ont en permanence été en communion avec le peuple, avec l’histoire, avec les réalités sociales.

Notre leader disparu, Aimé Césaire, s’est toujours donné pour mission d’éveiller les consciences, de dresser un rempart contre toute atteinte à notre dignité, et cela sans jamais confondre cette mission avec son destin personnel !

Rester fidèle à l’histoire sans nous enfermer dans le dogmatisme, sans nous murer dans le particularisme ! Parler d’égalité sans nous diluer dans un effacement de la personnalité !
Rester fidèle à cette conception très césairienne de la liberté qui est l’autonomie !

Une autonomie inscrite dans la Constitution.

Une autonomie où l’égalité, comme socle de nos diversités, n’est en aucune manière synonyme de dépendance, mais s’érige en un signe d’appartenance solidaire tout autant que d’affirmation d’une irréductible différence.

Quand l’égalité est inscrite en tant que droit et non en tant que dû, quand elle est soustraite à la charité condescendante et aléatoire, de la France vis avis de ses anciennes colonies, elle devient une dynamique d’épanouissement réciproque !

Ce jour de célébration de l’abolition de l’esclavage me donne l’occasion de revenir sur un point essentiel. Celui de nos rapports avec nos ex-colonisateurs, en l’occurrence la France.

Nous ne sommes à la recherche ni de la repentance, ni de l’excuse expiatoire. Ce serait trop facile. Nous ne sommes pas non plus sur les chemins de la « Réparation ». Nous considérons qu’une revendication de cette nature peut intellectuellement donner bonne conscience, mais que si elle s’installe dans une comptabilité mortifère, elle devient aussi douteuse qu’irréaliste.

Une comptabilité de la « Réparation » me semble aussi inacceptable que la justification du trafic négrier par le fait que les africains ont participé à la Traite de leurs fils et de leurs frères. Un tel crime est trop odieux pour être réparable ! Il est définitivement irréparable ! C’est cet irréparable que nous devons sacraliser ! C’est en le sacralisant tous ensembles que nous révélerons, pour mieux les habiter, les paysages si précieux de l’humain !

Par la sacralisation de l’irréparable, c’est l’esprit dominateur que nous enrayons !
C’est l’exploitation systémique que nous abolissons !

C’est le droit au développement que nous exigeons ! C’est l’idée de décroissance que nous engageons ! C’est la démocratie économique mondiale que nous appelons à instaurer ! Ce sont les droits des opprimés, des exclus et des pauvres que nous concevons comme imprescriptibles et inaliénables ! C’est le droit la vie pour tous que nous plébiscitons !

Face à la barbarie occidentale, l’ensauvagement de l’homme, Aimé Césaire n’a pas fait que condamner la colonisation. Il aussi condamné le capitalisme, la bourgeoisie, les profiteurs. Il a toujours associé au combat pour la décolonisation celui des luttes menées par le prolétariat pour son émancipation sociale. Il a vu large, il a vu loin !

Je suis donc pour ce qui nous permet d’atteindre les objectifs de liberté, de progrès et d’autonomie. Pour atteindre ces objectifs, il existe un passage obligé : celui de la reconnaissance. La reconnaissance de mon identité en tant qu’être, en tant que martiniquais, de ma personnalité collective en tant que peuple.

Je suis pour la reconnaissance des peuples et des cultures, celle qui nous dépouille de tout complexe d’infériorité, mais aussi celle qui dépouille l’ex-colonisateur de toute idée de supériorité fondée sur une hiérarchisation des races.

Je suis pour l’abolition des frontières d’inspiration raciale, pour qu’aucun peuple, aucun homme, ne soit victime en ce 3ème millénaire d’une ligne de partage liée à la couleur de la peau..

Aux consciences éveillées, je plaide pour les droits individuels et collectifs de l’Homme. Aux exploiteurs et aux profiteurs de toute espèce, je demande une nouvelle liberté, une liberté d’initiative inscrite dans une nouvelle démocratie économique.

Un homme qui est accepté dans le respect de sa différence culturelle, est capable de construire le cadre nécessaire, à l’expression de toutes les formes de liberté et de progrès. Un homme qui subit les inégalités sociales et économiques par des préjugés historiques, est un révolté en puissance, un rebelle inévitable !

L’idée de « Réparation » comme celle de « rattrapage » conforte la dépendance.
C’est un compromis douteux. Je préfère instituer, autour de la notion sacrée de l’irréparable, la reconnaissance et l’accès a un double droit : le droit à la différence et le droit à l’initiative.

Je ne suis pas un adepte de tractations intellectuelles et morales, la première des libertés c’est la liberté de penser. Aimé CESAIRE le sait, qui nous dit : « Ce n’est pas par la tête que les civilisations pourrissent c’est d’abord par le cœur ».

Alors, c’est quoi cette « reconnaissance » ?

Ce n’est pas seulement un « besoin » de reconnaissance, c’est aussi un besoin de respect. Et c’est même plus qu’un besoin : c’est une exigence de respect !
Tout déni de reconnaissance est une forme d’humiliation. C’est pour cela que cette exigence de reconnaissance s’ouvre aussi :
• Sur la protection des droits fondamentaux
• Sur la reconnaissance des besoins spécifiques dans le respect des identités
• Sur la reconnaissance de l’humanité de l’homme dans une perspective universelle.
Chers camarades, chers amis, le défi qui se présente à nous aujourd’hui et qui d’ailleurs préoccupe de nombreux martiniquais : c’est celui de l’évolution institutionnelle.

Le PPM est parti autonomiste. Nous n’avons aucune leçon à recevoir de qui que ce soit. Si nous sommes prêts à accepter un accord sur l’idée majeure d’Aimé Césaire, nous ne consentirons jamais à une Autonomie bâclée, ni à une Autonomie fragile et éphémère !

L’Autonomie n’est ni une tractation juridique, ni un enfermement procédurier. L’objectif n’est pas d’obtenir une place au paradis par un choix précipité, irréfléchi et dangereux. Pour les martiniquais et pour la Martinique, il s’agit d’un moment d’une extrême importance. L’occasion d’un véritable recommencement.

C’est un recommencement qui pourrait nous permettre, (si nous avons le courage et l’audace nécessaires, le courage de la femme illustrée par Khokho,) de garantir les droits acquis liés à l’égalité et d’ouvrir des perspectives d’une société structurée autour de la responsabilité.
Il faut sortir d’une première dépendance. Celle de l’esprit (dépendance morale et intellectuelle).

C’est la condition première pour pas se contenter de la solution de l’Autre, La solution dévolue avec condescendance voire avec mépris. C’est la condition première pour rester fidèle au père de la nation martiniquaise et garder vivante l’étoile de sa pensée.

Je crains d’avoir compris ce que cette démarche à laquelle nous avons assisté lors du dernier Congrès, peut comporter comme stratégie dangereuse : le meilleur moyen d’exterminer l’autonomie, c’est d’organiser son échec pour mieux éliminer l’idée !

C’est un choix sans doute machiavélique ou irresponsable, mais il est clair que le PPM ne s’associera jamais à de telles manœuvres !

Nous voulons,

1. Partager les valeurs démocratiques et universelles avec la France et l’Europe fondées sur les principes d’égalité et de respect. Ce qui loin d’être le cas, lorsque l’on voit les modalités du scrutin des élections Européennes de juin 2009.
Nous voulons,

2. Instituer les aptitudes nécessaires pour une autonomie explicite et permanente. Fonder le socle d’une assemblée capable d’auto-instituer des lois et des règles propres à l’organisation de la collectivité martiniquaise.

Alors ce recommencement aura un double intérêt :

Consolider le socle de l’égalité à partir des droits constitutionnalisés ; et ouvrir les perspectives d’une responsabilité ouverte à nous-mêmes dans le cadre d’une République de diversité, et respectueuse des différences.
Egalité, oui !
Liberté, oui !
Fraternité… peut-être.

Mais je préfère, disais le poète : identité !
Tu es mon frère, je suis ton frère, je veux bien. Mais quand tu reconnaîtras d’abord en moi un être, sa culture et sa personnalité, on parlera de fraternité !

L’identité me semble plus appropriée.

C’est en fait la recherche du sens. La recherche d’une voie nouvelle. C’est une ambition qui n’est ni dans le séparatisme, ni dans le larbinisme, ni dans l’abdication, et surtout pas dans le conformisme institutionnel ! C’est la lutte permanente du peuple martiniquais en lutte pour son émancipation, en lutte pour toutes les libertés et pour l’égalité !

Certains ont oublié, moi je n’oublie pas ! Nous, nous n’oublions pas ! Le peuple martiniquais n’oubliera pas et nous avons tous en mémoire le discours des 3 voies et des libertés : « ce qui est acquis est acquis, ce qu’il faut gagner c’est ce qu’il faut rajouter à ce qui est acquis, c’est-à-dire : les libertés autonomes… ».

Ce ne sera pas une bataille facile !

Comment faire pour que la France sorte de sa tradition Jacobine ? Comment faire en sorte qu’elle comprenne que les différences existent et se transforment, et qu’elles ne disparaissent jamais. Certes, il n’y aucune sacralisation, ni des idées, ni de la culture politique et ni de l’autoritarisme centralisé.

Mais si la France veut demeurer dans une sorte d’holisme des sociétés anciennes, elle fera partie du lot des pays d’Europe (peu nombreux) dont le retard sur l’autonomie régionale est condamnable. Un pays qui réduit des peuples entiers à une stérilité de leur énergie et de leurs initiatives, en leur instillant une nouvelle forme d’avilissement : celle de la dépendance, et, en fin de compte, en prolongement inévitable, celle de l’humiliation !

Dans les sociétés contemporaines, l’unité culturelle est la base de l’unité politique mais cette unité ne peut se priver de la diversité des identités et des patrimoines. La crise d’autorité généralisée que nous avons connu en Martinique et en Guadeloupe, l’ébranlement d’un ordre social, se sont doublés d’une crise d’identité qui reflète une crise plus générale : celle de la démocratie représentative.

Crise tellement profonde qu’elle nous impose de ne pas bricoler au bon vouloir du législateur mais de nous élever à la dimension innovante qu’exige la circonstance.

Crise tellement profonde qu’elle nous oblige à ne pas accepter cette conception occidentale du progrès porté par l’oracle juridique. C’est au Droit de s’adapter aux réalités des peuples, et pas le contraire !

Alors, chers camarades, cette célébration du 22 mai ne peut être l’occasion, ni d’un reniement, ni d’une abdication.

Ceux qui se contentent de brandir l’évangile d’une Constitution contre les aspirations des peuples ont abdiqué devant l’essentiel.

Ils ont déserté leur devoir de combattant pour une cause noble et juste : celle de l’Autonomie véritable qui ne peut se fonder que dans l’autonomie de la pensée, l’autonomie de la conception, l’autonomie de la mise en œuvre, l’autonomie de l’imagination !

C’est cette autonomie seule qui peut concilier liberté et égalité dans le cadre d’une République unie…

Je vous demande de résister à toutes facilités, à tout abandon, et à toutes les formes d’assujettissement de votre capacité à penser et à imaginer.

Que l’esprit du 22 mai vous habite !

Serge LETCHIMY . 22 mai 2009




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