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LES FORCES SOCIALES DANS LA RUE


Rédigé le Dimanche 22 Février 2009 à 17:31 |

« La révolution des forces sociales, une alternative politique pour notre devenir », c’est le thème d’une réflexion d’Elizabeth Landi , historienne et Conseillère municipale de la Ville de Fort-de-France.
Un regard sur le mouvement social actuel.


LES FORCES SOCIALES DANS LA RUE
TEXTE ELIZABETH LANDI . La situation que nous vivons en ce moment est inédite, les mécanismes de gestion de crise échouent jusqu’à présent contre ce mouvement social d’une ampleur incontestée depuis des décennies.
Quelque chose donc de l’ordre d’une brèche intervient par l’exaspération des forces sociales dans le tissu des mécanismes de règlementation jusqu’alors en vigueur. On peut parler aujourd’hui de véritable « révolution sociale ».

Les situations guadeloupéenne et martiniquaise posent un problème qui nous concerne tous, celui des formes que doivent revêtir la pensée et l’action politique contre la « colonialité » du pouvoir. Non seulement ces revendications sont justes et dignes, elles sont vraies et elles ouvrent une ère nouvelle à la réflexion et à l’action politique lucide et soucieuse du bien-être et de la défense des droits fondamentaux des travailleurs et des citoyens.

On a souvent écrit sur le malaise institutionnel et le mal-être culturel des Antillais mais ne s’est-on pas trompé en voulant les comprendre et les interpréter essentiellement dans des critiques anthropologiques et des critiques politiques à court et à moyen terme.

L’habituelle manière politique de penser en termes de système et de croire que le changement du système peut modifier la « colonialité » du pouvoir, pour pertinente qu’elle soit, ne permet pourtant pas aujourd’hui de comprendre la radicale nouveauté des événements.
On peut l’approuver ou le déplorer mais il est évident que les manifestations ont acquis une pleine autonomie par rapport aux représentations traditionnelles politiques et administratives.

Certes les luttes politiques, syndicales, sociales et culturelles dans nos deux îles sont profondément inscrites dans un cadre et une continuité législative de l’Etat français et maintenant progressivement de l’Europe qui leur donne leur allure. Et cela pourrait-on dire depuis la Révolution haïtienne et la guerre de liberté guadeloupéenne. Mais les Antilles ont hérité d’un débat essentiel qui traverse la société française autant que l’institution européenne et les politiques mondiales.

En Martinique, le Congrès a entériné cette situation en inscrivant la lutte pour l’autonomie dans la binarité des articles 73 et/ou 74, fermant dès lors la porte à toute invention d’un cadre répondant précisément à notre singularité, oblitérant toute possibilité d’une réponse alternative et par là même souscrivant à la dimension coloniale de ce cadre, ce que nous appelons précisément la « colonialité ».

La nouveauté de la mondialisation est de faire précisément émerger le problème de la légitimité de la représentation dans les Etats-nations. A savoir quels fondements accorder à la légitimité politique ? Repose-t-elle sur une conception de la seule souveraineté populaire ou au contraire sur l’impératif du respect des droits fondamentaux des hommes ? Partout dans le monde on voit resurgir des conflits de légitimité entre ceux qui revendiquent le respect des droits de l’homme et du citoyen et ceux qui revendiquent la souveraineté du peuple.

Ce n’est pas outrancier de penser que ce qui est en jeu en Guadeloupe et en Martinique, est bien la question de savoir sur quelle conception de la légitimité on peut asseoir la revendication d’assumer nous-mêmes notre propre destin et la maîtrise de notre devenir historique. Il s’agira bien de concilier d’une part la revendication de l’autonomie morale privée du citoyen et d’autre part de l’autonomie politique.

Ce que nous montrent les forces populaires guadeloupéennes et martiniquaises réside dans cette ouverture insoutenable de la révolution sociale comme solution ou voie ouverte à l’alternative entre la défense des droits privés et la revendication de l’autonomie politique. Aucune politique désormais dans aucune forme institutionnelle ne peut se permettre de faire l’économie d’un dialogue effectif avec les représentants des forces sociales.

La légitimité et l’autorité représentative des élus du Congrès ne sont en aucune façon contestables et ne sauraient l’être, cependant les représentants des pouvoirs n’imaginaient même pas que des paroles sociales, des revendications, des résistances puissent troubler la partition organisée et synchronisée du calendrier de la réforme statutaire et être aussi populaires et légitimes.

L’affirmation du statut d’élu et donc de la légitimité de leur représentativité, ne saurait, à l’évidence suffire, pour mener à bien des politiques dont ils n’ont aucunement présenté les termes à la population. Ce qui apparaît et qui se laisse concevoir comme une autorité de droit risque de se transformer en fait en une confiscation des paroles sociales, de tous les secteurs de notre vie, paroles sociales des citoyens, des syndicalistes, des associations, des petites et moyennes industries et entreprises, etc.

Il ne s’agit pas simplement de consumérisme, il s’agit de quelque chose d’autrement plus grave et important, celle de la vie des hommes et des femmes dans ce pays, des aînés, de l’avenir de leurs enfants. Que l’on s’inquiète de savoir en Martinique par exemple, si les avantages acquis vont être maintenus dans les projets de développement institutionnel n’est pas une question vaine, relativement secondaire par rapport aux grands enjeux politiques.

Il ne s’agit pas de spéculer sur les possibilités d’adaptation des individus engagés dans une vie sociale et économique responsable mais de prendre en compte des revendications radicales qui remettent en cause le confort d’une concertation entre les seuls élus. Une nouvelle donne aujourd’hui est posée clairement.

Aucune négociation sur le nouveau statut à envisager ne pourra se faire, dans la précipitation et sans la participation effective du collectif, des syndicats, des associations, du patronat, des collectivités territoriales et de l’Etat.
Car, c’est bien des rapports de production qu’il s’agit de remettre à plat, des textes législatifs qui régissent le monde du travail, les conventions collectives, la fixation des salaires, des prix, la fiscalité, etc.

Cet Etat lui-même a du mal à entendre que les différences, d’ordre politique, culturel, économique et social, puissent s’exprimer tout en revendiquant l’appartenance à un ensemble national. C’était déjà le cas en 1802, en 1946 et maintenant aujourd’hui.

Sauf qu’il y a un nouveau contexte mondial tant économique que politique qui force les Etats-nations à se repenser dans des formes plus souples de la négociation, de la décentralisation voire du fédéralisme.

Nous soutenons entièrement les forces sociales démocratiques en Guadeloupe et en Martinique et nous les appelons à redonner du sens à l’action sociale.
Cela veut dire abandonner les stratégies d’un autre temps, d’une autre pensée politique, celle qui a montré ses limites dans le monde bipolaire de l’après-guerre, pour comprendre l’avènement de la « multitude mondiale ». Ce qui veut dire concrètement le respect des avantages sociaux acquis aujourd’hui et demain et la nécessité de replacer l’action sociale au fondement de l’action politique et non le contraire.

La révolution politique que nous souhaitons est aussi une révolution de la politique c’est-à-dire de la gouvernance.
Notre mot d’ordre « L’autonomie pour la nation martiniquaise » est l’expression de nos principes dans le respect des droits et des volontés populaires, seule façon d’assumer de notre radicale singularité économique, politique, sociale et culturelle dans le concert mondial.

C’est de la révolution sociale en marche que peut advenir une alternative pour assumer notre devenir historique. Elisabeth Landi (9 février 2009)




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