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POUR LA DECOLONISATION INTEGRALE ARTICLE LECTEUR (Gérard Nicolas)


Rédigé le Vendredi 30 Octobre 2009 à 00:00 |

Pou rivé an koté, fòk nou sav éti nou ka pati, mé soutou, ès nou lé rivé koté-a poutoutbon.


POUR LA DECOLONISATION INTEGRALE ARTICLE LECTEUR  (Gérard Nicolas)
Le mouvement du 5 février 2009 a exprimé la lucidité de nos compatriotes quant à la profitation qui s’exerce sur la Martinique. Ces évènements sont remarquables par le fait que, s’ils eurent pour déclencheur des revendications purement matérielles, le propos de la rue, lui, était d’ordre identitaire et politique. Tout le refoulé de dizaines d’années, tout le non-dit se disait là, à haute voix, clamé par des milliers de manifestants dont le nombre-même était la force et la faiblesse. « Péyi-a ta nou, péyi-a pa ta yo » n’était pas un simple exutoire des rancœurs, mais l’amorce d’un programme qui n’a malheureusement pas trouvé de relais politique.
En réalité, la profitation dénoncée lors des grèves et des marches, n’est pas autre chose que la domination coloniale qui s’exerce sur notre pays. Et si nous voulons y mettre un terme, notre peuple devra présenter à l’État des revendications dont l’orientation générale vise à nous occuper de zafè kò-nou, kidonk de notre survie, avec comme objectifs premiers d’éradiquer la misère et ses conséquences, que ce soit en Martinique que ce soit en France ; de recouvrer notre totale dignité que ce soit en Martinique que ce soit en France ; de donner pleine mesure aux capacités créatrices de notre peuple que ce soit en Martinique que ce soit en France ; de soutenir les aspirations et les luttes des ressortissants de la Caraïbe installés chez nous ; en France, de coller nos têtes et nos épaules avec les personnes venues des anciennes colonies ; de gourmer pour que l’esprit et les pratiques colonialistes de la France reculent, disparaissent ; qui veut dire œuvrer, dans un même balan, et à la décolonisation de la Martinique et à la décolonialisation de la France.
C’est pourquoi nous croyons qu’il nous faut aller dans la direction suivante.

Décisions vitales
• Arrêt immédiat de la colonisation de peuplement
• Préparation du retour éventuel des Martiniquais émigrés
• Américanisation des chefs de service (nomination de citoyens originaires de Guadeloupe, Guyane, Martinique)
• Américanisation du corps enseignant
• Réforme du contenu de l’enseignement dans le sens d’un renforcement de l’être-martiniquais (histoire et géographie de la Caraïbe, littérature, philosophie, sciences avec la connaissance de la faune, de la flore, des sols…)
• Gestion concertée des terres du domaine et des cinquante-pas
• Réforme de l’agriculture et, d’une façon générale, refonte de l’économie, en manière pour satisfaire les besoins de la population (les échanges avec l’extérieur font aussi partie des besoins d’une population !) avec comme priorité absolue le déchoukaj de la misère et des injustices, causes premières de l’exclusion, de l’errance, de la violence, des addictions ruineuses
• En France
- Reconnaissance et enseignement du caractère criminel du colonialisme
- Lutte sans merci de l’appareil d’État contre le colonialisme, le racisme et toute qualité discrimination des « minorités » qui souffrent de l’exploitation et de l’exclusion s’exerçant à l’encontre des personnes issues des anciennes colonies ou de l’actuel « Outre-Mer »
- Lutte en unité avec tous les anticolonialistes
• Dans l’aire américaine
- Renforcement des liens avec la Guadeloupe et la Guyane
- Développement, prioritaire mais non exclusif, des relations avec la Dominique, Haïti et Sainte-Lucie
- Collaboration avec ces pays dans une structure ressemblant à une fédération sans être une fédération tout en étant une sorte de fédération
• Lors de scrutins présentant des aspects identitaires, vote uniquement des Martiniquais et des autres originaires américains
• Vote, à cette occasion, des Martiniquais de France et d’ailleurs
• Création d’une entité administrative et politique, une assemblée élue selon la règle de la parité hommes/femmes, dont la mission sera de gourmer avec le peuple pour l’application de ce programme, dans l’intérêt des Martiniquais d’ici et de là-bas
• Cette assemblée verra son président ou sa présidente nommé/e automatiquement co-préfet de la Martinique

Si une telle ambition était partagée par le gouvernement cela signifierait que nous serions sur la voie de la décolonisation intégrale.
En effet, celle-ci ne concerne pas seulement la partie colonisée : il ne peut y avoir de décolonisation réelle sans abandon de l’esprit et des pratiques colonialistes dans la métropole coloniale elle-même.
Nous devons amener l’État à reconnaître qu’il est légitime pour un peuple de ne pas vouloir mourir, disparaitre ; que ce peuple peut continuer à exister dans le cadre français − qu’il a, lui aussi, contribué à édifier − tout en s’incorporant dans son espace naturel ; et que la France gagnerait en dignité, en humanité et tout simplement en honnêteté si, au lieu de considérer avec dédain, suspicion, voire haine, des revendications identitaires porteuses de liberté, elle savait les intégrer à son propre devenir. Dire qu’il n’existe pas de peuple martiniquais n’est pas seulement la plus grande insulte qui puisse nous être adressée : c’est un déni de l’histoire et de la pensée, un aveuglement qui interdit de considérer que la vie puisse prendre d’autres voies que celles contenues dans les lois françaises.
Ainsi, la décolonisation intégrale, si elle ne suppose pas nécessairement la rupture avec l’entité France, est bien une rupture radicale avec le colonialisme, et donc inéluctablement avec les lois et les pratiques qui pérennisent notre dépendance.

Chimin lapòvté
J’entends d’ici les gérants de l’épicerie : « Vous voulez le beurre et l’argent du beurre ! »
Pas du tout. D’ailleurs, le beurre, ça fait belle lurette que les diététiciens conseillent de le bannir d’une saine pratique alimentaire. De toute façon, qui croit vraiment que nous pourrons aller indéfiniment vers plus de croissance, plus de biens, plus de consommation, plus de beurre ?
Le géographe haïtien Georges Anglade écrivait en 1983 dans un petit livre intitulé Éloge de la pauvreté : « Je n’ai trouvé digne d’éloge que la pauvreté ; pas la misère repoussante et abjecte, inacceptable dans sa négation de la dignité humaine, mais la pauvreté. Avec acharnement, on a voulu la transformer sans jamais questionner ce qu’elle pouvait receler de savoir-faire dans la survie, ce qu’elle pouvait avoir accumulé de pratiques dignes d’être le point de nouveaux départs. On a su la décrire sans la comprendre, la plaindre sans la respecter, et surtout l’amalgamer à la misère pour mieux désamorcer l’alternative dont elle est pleine, alors qu’il fallait tout simplement lui demander les voies et les moyens du désenveloppement des opprimés pour une démocratisation qui ne tarde que trop. » Livre petit par son format et très grand par son contenu dans lequel l’auteur préconise la sortie de la misère par une ascension vers la pauvreté.

Ce qui nous est demandé aujourd’hui est de réaliser un effort sans précédent que, de toute façon, la réalité nous imposera tôt ou tard si la vision du monde tel qu’il est ne nous y amène pas de nous-mêmes. D’un côté la famine, les maladies, les guerres qui tombent sur des centaines de millions de nos frères humains ; de l’autre, une profitation outrageante sur les personnes et sur la nature. Nous devons tirer les conséquences de cette situation du monde et sortir, volontairement, de l’illusion d’une richesse qui nous a rendus obséquieux avec la France, indifférents vis-à-vis de nos compatriotes les plus malheureux, et arrogants envers nos voisins de la Caraïbe, afin, comme le préconise Georges Anglade, de « rejeter la croissance du superflu pour le développement du nécessaire ».
Qui donc, entreprendre, nous-mêmes, de baisser sur la quantité, par des moyens que nous découvrirons, en manière pour, en aidant à augmenter les ressources des plus démunis, chez nous et dans le monde, tirer substance et jouissance de l’essentiel.
Pour tout de bon, il nous faudra entreprendre de perdre pour gagner, fodré nou rosé kò-nou adan an mouvman éti sé nou-minm ki ké planté rasïn lavi-nou, pou nou sòti adan lasosiété piyaj èk gaspiyaj-tala, épi pou nou bòdé kalté lapòvté-a yo ka kriyé lafratènité.

Gérard Nicolas, octobre 2009.



TRIBUNE LIBRE


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