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Il y avait autant d’OJAM que d’Ojamistes, par Yves Léopold Monthieux !


Rédigé le Dimanche 10 Novembre 2019 à 15:46 |
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L’addition de clivages et la cacophonie de l’OJAM

D’autres lignes de fracture étaient évidentes : entre ceux qui résidaient en Martinique ou en France, les premiers étant emprisonnés, pas les autres ; entre ceux qui envisageaient ou non l’action violente ; entre les obscurs et ceux qui avaient une envergure nationale. Là-bas, ils étaient pour la plupart d’anciens de l’Association générale des étudiants martiniquais (AGEM), désireux d’être pour leur pays, un brin de narcissisme aidant, au rendez-vous de la décolonisation. On n’a pas connu de chef à l’OJAM, mais une nébuleuse d’"intouchables " s’est dessinée où tel gros poisson de Paris, ami de Ben Bella et de Fanon, aurait été proche d’une source de financement ; où tel autre, intellectuel reconnu, aurait été à l’origine de la fameuse fiche dogmatique et technique qui aurait peu convaincu à l’intérieur du mouvement.

Ce document qui servit de support à l’accusation de complot contre l’Etat, était parvenu aux mains de la bande raide de Fort-de-France. Dans le film, l’animateur présumé de cette faction de l’OJAM n’a pas su convaincre de la réalité d’initiatives inspirées, selon lui, par la théorie de la « violence légitime » de Frantz Fanon.

Reste que la part "métropolitaine" de l’aventure n’a pas manqué de susciter la méfiance des emprisonnés, bien au fait, eux, de la réalité du terrain en Martinique. Ceux-ci en vinrent à se soupçonner mutuellement jusqu’à « se regarder en chiens de faïence », affirme un ancien. Par ailleurs, l’absence du film de celui par qui l’OJAM prit véritablement date, peut être regardée comme le symbole d’une rancœur prolongée.

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Le SMA, l’AFPA et le BUMIDOM ont asséché les espérances de révolte

Les nouvelles en provenance de la Martinique avaient bluffé les Parisiens. Elles faisaient état de participations massives de jeunes aux réunions de l’OJAM. Déjà, sans doute mal informé, Frantz Fanon avait pu écrire dans un journal tunisien, le Moujahid, que les incidents de décembre1959 avaient enregistré 15 morts, des blessés et des arrestations, en nombre. On verra, au contraire, que loin de fournir des troupes à l’organisation anticolonialiste, des centaines de jeunes utiliseront les outils de formation qui seront offerts par le SMA et l’AFPA, ou partiront pour France par le biais du BUMIDOM.

D’ailleurs, l’un des anciens reconnaît dans le film que dès avant la création du BUMIDOM, en 1963, les appelés démobilisés venant d’Algérie n’avaient qu’un objectif, repartir en métropole pour trouver du travail. Bref, ces 3 organismes auront le don d’assécher les espérances de révolte nourries par les intellectuels. Ce fut d’ailleurs le vrai motif de l’opprobre jeté sur le BUMIDOM, de sorte que les exhortations des forces vives à ne pas quitter leurs pays n’étaient pas des marques de compassion pour ces jeunes. Elles exprimaient plutôt le dépit des idéologues face à l’évanouissement de forces révolutionnaires espérées. En effet, contrairement aux cas particuliers des 2 dignitaires du PCM dont les salaires avaient été pris en charge par les militants pendant plusieurs années, on n’a pas connaissance que des soussous fussent organisés pour venir en aide aux plus infortunés d’entre ceux qui avaient été qualifiés avec mépris de "déportés".

Le narcissisme révolutionnaire de l’anticolonialisme martiniquais

De retour de leur aventure, les Ojamistes n’avaient pas toujours été reçus en héros, mais parfois en sujets de railleries. Finalement, les travaux de Gesner MENCE et de Camille MAUDUECH déconstruisent le mythe de l’OJAM. Ils exposent suffisamment de facteurs d’indétermination et de désunion pour comprendre que, sauf le respect dû à des hommes qui ont été frappés dans leur chair pour leurs idées, le phénomène de l’OJAM eut tout l’air d’une affaire de cornecul.

L’aventure s’inscrit en caractères gras dans l’histoire martiniquaise qui, on le sait, n’est pas avare d’arrangements et de raccommodages. La Martinique n’étant pas l’Algérie, l’épisode rappelle la fable de la grenouille qui se voulait aussi grosse que le bœuf. Enfin, les péripéties de l’OJAM mettent en lumière le caractère velléitaire et naïf de l’anticolonialisme martiniquais. Lequel tient davantage du narcissisme révolutionnaire que des convictions.
Une évidence s’impose. Hormis un moment de compassion pour des jeunes gens que CESAIRE dira au procès s’être "fourvoyés", le phénomène OJAM n’a jamais reçu l’adhésion ni des partis politiques ni du peuple ni des jeunes, ni même leur compréhension. Il en est résulté un symbole qui, à voir les graffitis sous les ponts, peut encore faire rêver, mais qu’au-delà du fantasme, les nationalistes martiniquais n’auront pas réussi à faire prospérer

Ce texte est réalisé par Yves Léopold Monthieux. Les différences de vue et d'analyse,et sa vision et la nôtre sur cette même question ne nous empêche pas de diffuser son texte. Cela fait partie du débat !

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